Agence Panafricaine d'information

Selon les journalistes gambiens, ces dernières 24 heures ont été marquées par l'attaque la plus agressive contre la liberté de la presse

Banjul, Gambie (PANA) - Selon l'Union de la presse gambienne (Gambia Press Union, GPU), les dernières 24 heures ont été marquées par l'attaque la plus agressive contre la liberté de la presse depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement en 2017.

 

"Entre 12 h et 14 h dimanche, deux stations de radio ont été forcées de cesser leurs activités et quatre journalistes ont été arrêtés dans la même période.

 

"Plus tôt dans la journée, un des journalistes couvrant les troubles a été attaqué et agressé physiquement", a déclaré Sheriff Bojang, président de la GPU, lors d'une conférence de presse tenue, lundi.

 

Il a ajouté : "Plus tôt dans la journée, un des journalistes couvrant les troubles a été attaqué et agressé physiquement à la suite de la manifestation anti-gouvernementale appelée "3 ans Jotna". La manifestation, comme nous l'avons appris par les médias, a malheureusement tourné à la violence avant même d'avoir commencé".

 

Bojang a déclaré que la violence contre les journalistes venait des deux côtés.

 

Selon lui, Sankulleh Janko, reporter de la Radio de la démocratie en Afrique de l'Ouest (WADR), basée à Dakar, a été attaqué par un groupe de manifestants qui étaient visiblement en colère.

 

"Ils l'ont malmené et lui ont pris de force son matériel, y compris son téléphone portable. Sans l'intervention de l'un des manifestants, les journalistes auraient été gravement blessés, voire tués", a-t-il déclaré.

 

Il a déclaré que dimanche après-midi, une douzaine de membres armés de l'Unité d'intervention de la police (Police Intervention Unit, PIU) des Forces de police gambiennes ( Gambia Police Force, GPF) ont pris d'assaut les bureaux de Home Digital FM à Brikama et ont ordonné au personnel de cesser ses activités avec effet immédiat, révélant que le directeur, Pa Modou Bojang, avait été emmené de son studio par la police.

 

"Bien que les autorités aient refusé de confirmer ses allées et venues, nous avons appris par des sources fiables qu'il a été détenu au siège de la PIU à Kanifing avant d'être emmené dans les bureaux de la lutte contre la criminalité à Bijilo.

L'histoire de Pa Modou et de Home Digital FM est similaire à celle de King FM, où une douzaine de membres armés du PIU ont pris d'assaut les bureaux de Tallinding, ont ordonné au personnel de quitter les lieux, ont coupé la radio et ont emmené trois personnes, dont le directeur, Gibbi Jallow.

 

"L'autre s'appelle Ebrima Jallow. Nous n'avons pas encore confirmé le nom de la troisième personne", a déclaré Bojang aux journalistes dans son bureau de Bakau, à 15 km de Banjul.

 

Selon lui, en substance, depuis les troubles du dimanche 26 janvier, deux stations de radio ont été fermées et quatre journalistes ont été interpellés.

 

"Nous avons reçu le communiqué de presse que le gouvernement a publié, confirmant la fermeture ainsi que les arrestations et les détentions. Le communiqué indique que les stations de radio ont été fermées parce qu'elles diffusaient des messages "incendiaires". C'est infondé et décevant", a souligné M. Bojang.

 

Il a ajouté : "Nous avons confirmé de multiples sources, dont le directeur, que King FM n'a pas diffusé d'informations sur la manifestation. La station a diffusé tout au long de la journée, jusqu'à l'heure de fermeture, de la musique qui n'a aucun rapport avec les troubles". 

 

"Home Digital FM diffusait en effet des messages sur la manifestation. Et nous avons confirmé de multiples sources, y compris le personnel et les auditeurs, qu'il n'y avait rien d'incendiaire dans la couverture de ces événements. 

 

"Nous sommes d'avis que la fermeture des stations de radio était arbitraire et illégale", a-t-il indiqué.

 

"De même, la proclamation contenue dans le communiqué de presse de dimanche, qui semble mettre en garde les journalistes contre la diffusion d'opinions divergentes, est tout aussi dangereuse qu'illégale. Elle n'a aucun fondement légitime, et c'est pourquoi nous appelons les médias à l'ignorer et à diffuser des opinions aussi diverses que possible sur toute question d'intérêt public légitime, et la question du mandat du président en fait partie.

 

"Nous dénoncerons toute tentative du gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de cette menace", a-t-il souligné.

 

Il a indiqué que la loi sur l'information et la communication (s36) donne le pouvoir au seul ministre de l'Information de suspendre ou de révoquer une licence de radiodiffusion, en soulignant que la sécurité n'a pas le pouvoir de fermer une station de radio.

 

Il a également révélé que leurs consultations avec le ministre avaient confirmé qu'aucun ordre de ce type n'émanait du bureau du ministre, Ebrima Sillah, disant que de plus, les conditions prévues pour le faire n'étaient pas remplies.

 

"Nous savons pourquoi les stations de radio ont été fermées. Nous savons pourquoi les journalistes ont été arrêtés et détenus, c'est la même raison pour laquelle Deyda Hydara a été assassiné sous Jammeh, c'est la même raison pour laquelle Chief Manneh a été tué sous l'ex-président Yahya Jammeh, c'est la même raison pour laquelle les maisons de presse ont été fermées quinze fois entre 1994 et 2016 sous Jammeh, c'est la même raison pour laquelle des dizaines de journalistes ont été torturés sous Jammeh, c'est la même raison pour laquelle plus de 20% des journalistes gambiens ont été contraints à l'exil sous Jammeh et c'est la même raison pour laquelle plus de vingt-cinq journalistes ont été agressés sous le président Adama Barrow et rien n'est fait à ce sujet.

 

Bojang a souligné que les attaques de dimanche rappellent vingt ans de répression brutale des médias, notant que le modus operandi de ce gouvernement porte la marque des tactiques utilisées par l'ancien gouvernement dans son mépris de la liberté de la presse et de l'Etat de droit.

 

"En tant que syndicat, nous avons engagé les services d'un avocat. Nos instructions sont très claires : obtenir la libération des journalistes détenus et engager une action civile contre l'État sur les questions liées à cette arrestation et à cette détention devant tout tribunal compétent pour les présider".

Il a ajouté : "Bien qu'il ne soit pas de notre ressort de commenter le fond du débat sur le mandat du président et les différends qui en découlent, nous demandons au gouvernement de lancer une enquête indépendante sur les troubles et d'agir de manière juste".

 

Bojang a ajouté "qu’il ne fait aucun doute que la façon dont toute cette question des "3 ans de Jotna" a été traitée, et la lourdeur de la sécurité, compromet, bafoue le processus de justice transitionnelle et de nos réformes démocratiques en cours".

  

Il a demandé au gouvernement de libérer immédiatement les journalistes et de lever l'interdiction des deux stations de radio.

-0- PANA MSS/VAO/ASA/IS 27janv2020