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Maradi la capitale économique du Niger "suffoque" depuis la fermeture des frontières par le Nigeria

Maradi, Niger (PANA) – La région de Maradi au Niger frontalière avec le Nigeria autrefois prospère et plaque tournante des échanges commerciaux entre les deux pays, suffoque économiquement en raison de la fermeture des frontières opérée depuis quelques mois par le Nigeria, constate-t-on sur place.

La proximité de cette région du Niger avec le Nigeria (moins de 20 km à certains endroits) est un facteur qui explique le dynamisme du commerce à Maradi. Aujourd’hui, l’économie de la région est fortement influencée par le commerce qui constitue d’ailleurs son l’épine dorsale. La ville de Maradi (650 km à l’est de Niamey, autrefois capitale économique du Niger, subit de pleins fouets les conséquences de la fermeture des frontières depuis précisément le 20 août 2019.

La morosité économique est sur toutes les lèvres des Maradawas (habitants de Maradi) notamment les commerçants qui vivent au quotidien les effets néfastes de la fermeture des frontières, rapporte l’hebdomadaire gouvernemental SAHEL DIMANCHE.

Les prix de l’essentiel des produits importés à partir du Nigeria connaissent une légère hausse en raison des difficultés énormes qu’endurent les commerçants qui passent par des routes frauduleuses pour faire rentrer au pays les produits nécessaires à la consommation. La spéculation des commerçants n’a épargné aucun produit importé du Nigeria.

Qu’il s’agisse des produits frais tels que la canne à sucre, la patate douce  ou encore le textile, l’industrie du caoutchouc (les  ustensiles de conservation de repas, eau), les consommateurs finaux sont en train de payer les frais parce qu’il n’est pas question pour les commerçants de vendre sans le moindre bénéfice. 

La flambée des prix des produits en prévenance du Nigeria est facile à expliquer par les commerçants. Selon le président des commerçants de la canne à sucre et de la patate douce, l’importation de ces produits frais se fait dans les conditions inimaginables.

« Nous sommes obligés d’emprunter des pistes qui ne sont pas praticables pour les véhicules de transport. Tantôt, ce sont dans des champs de mil que nous traversons pour pouvoir amener ces produits. Et comme ces voies sont inégales et extrêmement difficiles pour les transporteurs, il est évident que le coût du transport soit aussi élevé. En matière de commerce, ce facteur est pris en compte dans la détermination du prix de vente. Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous augmentons sur les prix de ces produits », explique à Sahel Dimanche Garba Issa, importateur.

« Au marché central de Maradi, l’atmosphère n’est pas comme d’habitude ce mardi 28 janvier 2020. L’animation, l’ambiance et le brouhaha ne sont pas intenses. Certaines boutiques n’ont pas eu jusque-là de locataires. Les clients ne viennent qu’à compte-goutte au marché », témoigne, pour sa part, Idrissa Alassane.

Mme Souraya est une vendeuse d’ustensiles en caoutchouc (thermos à eau ; les tasses thermos et autres articles de la maison, etc.) au marché central de Maradi. Elle décrit le calvaire dans lequel elle importe ces produits.

« Depuis la fermeture des frontières, le voyage au Nigeria est stressant pour nous qui sommes des commerçantes. Ce n’est pas l’aller qui cause problème mais plutôt le retour avec les marchandises qu’on achète. On est contraint avec la complicité des transporteurs de se frayer un chemin dans la brousse avec tout le risque que cela comporte dans un contexte sécuritaire préoccupant ».

« Souvent, des égratignures par-ci et par-là sur les corps des commerçants en raison des voies incommodes qu’on emprunte. Cette marque de thermos à eau par exemple, je l’achetais au Nigeria avant la fermeture des frontières à 1800F pour la vendre à 2000 F. Avec la fermeture des frontières, le prix d’achat n’a pas du tout augmenté. Cependant, le coût du transport a connu une hausse. C’est pourquoi, on ne peut pas vendre au même prix qu’avant ».

Pour Moussa Hassane, à la fatigue physique liée au fait que les véhicules empruntent des voies à la fois impraticables et sinueuses, les clients sont rares et il est difficile de faire une recette de 30.000 F par jour, alors qu’avant la fermeture des frontières, sa recette journalière avoisinait 80.000 F.

La vente des pagnes importés du Nigeria n’est pas aussi épargnée avec un commerce qui tourne au ralenti. « Le prix de trois pagnes en tissu a relativement grimpé. Avant la fermeture des frontières, on peut vendre les trois pièces de pagnes en tissu à 2000 F, voire 2250F. Mais maintenant, il faut 2500 à 3000 F. Le véritable problème, c’est parce qu’on ne peut pas emprunter les voies officielles lorsqu’il s’agit d’acheminer les marchandises », confie Laouali Souleymane.

Il estime que le coût du transport a forcément impacté sur le prix de vente, appelant à une meilleure compréhension des clients. Pour lui, c’est cette hausse des prix qui a engendré la chute comme un château de cartes de l’affluence des clients tout en espérant que les autorités des deux pays vont se rencontrer pour trouver « une solution à cette situation qui n’a que trop duré ».

A la direction régionale du commerce de Maradi, la situation liée à la fermeture des frontières est suivie au jour le jour. Les apports élaborés par la direction régionale du commerce précisent clairement que la situation a connu une petite amélioration par rapport au début de l’exécution de la décision.

La fermeture des frontières du Nigeria avait, à ses débuts, systématiquement mis fin à tout passage de véhicules et personnes par les voies légales. Cette fermeture inattendue a concerné tous les produits, indépendamment de leur origine créant ainsi une situation de crispation de part et d’autre de la frontière entre la région de Maradi et les zones frontalières du côté du Nigeria. Ainsi par exemple, les prix des céréales comme le maïs sont en hausse de près de 5%  (15.750 à 16.500 F) et quelques compléments alimentaires comme les biscuits se font rares sur les marchés de la place.

-0- PANA SA/BEH 14fév2020