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La tradition, un frein au leadership socio-économique des femmes au Botswana?

Par Meekaeel Siphambili, correspondant de la PANA
Gaborone, Botswana (PANA) - En raison de facteurs culturels, historiques et autres, les femmes n'ont pas encore atteint l'égalité dans la plupart des sociétés, notamment l'égalité dans le cadre du processus électoral.

Globalement, la représentation des femmes au Parlement et dans les postes de responsabilité politique n'est que de 16 pc.

L'Afrique a seulement deux femmes présidents et au Botswana, sur les 57 circonscriptions du pays, il n'y a que quatre femmes au Parlement. Deux ont été élues par un vote populaire, et les deux autres ont été choisies par le président pour équilibrer la représentation des deux sexes au Parlement.

La culture et la tradition Setswana influence d'une manière ou d'une autre la représentation des femmes aux différents postes de responsabilité, notamment au niveau du leadership politique.

Traditionnellement, l'homme est le chef de famille et comme "charité bien ordonnée commence par soi-même", la tendance est d'imposer au plan national des élections qui favorisent les hommes.

Il existe une expression Setwana qui dit "Une femme ne dirigera jamais", le contraire de l'expression anglaise "Les dames d'abord".

Cette expression est le fruit de l'observation du vivant qui est toujours dirigé par un costaud ou un mâle.

Le troupeau de buffles ou tout vivant qui se déplace en groupe ou troupeau est normalement dirigé par un costaud ou un mâle. Cette vieille expression Setswana a des conséquences sur l'égalité socio-économique entre les sexes au niveau national. Beaucoup de gens pensent encore que: "la place de la femme est dans la cuisine".

Cependant, les femmes ont prouvé qu'elles peuvent manier les comptes des entreprises, tout comme elles peuvent manier les bébés, mais les chances de le faire dans le cadre du leadership politique sont très faibles pour ces dernières.

Rhoda Sekgororoane, une vétérane de la politique, travaillant maintenant pour une Organisation non-gouvernementale," Emang Basadi" (Debout les femmes), pense que la démocratie n'est pas complète quand les femmes sont encore laissées derrière.

"Un Botswana démocratique doit avoir ses hommes et ses femmes impliqués à parts égales dans la gestion de leur pays. "Basadi" organise des ateliers tous les quatre ans, comme moyen de préparer les femmes ayant des ambitions politiques aux élections générales", a expliqué Rhoda Sekgororoane.

Cette vétérane en politique, qui fut conseillère, explique qu'elles forment les femmes à mieux se vendre à l'électorat, en insistant sur la gestion de la campagne et la prise de parole en public.

"Nos défis sont principalement le manque de ressources, car certains organismes donateurs étrangers se sont retirés, car ils pensent que le Botswana est un pays riche et peut voler de ses propres ailes", indique Mme Sekgororoane.

Selon elle, "Emand Basadi" veut passer de la parole à l'action, en faisant pression sur le gouvernement du Botswana, pour qu'il crée un environnement favorable, en introduisant des quotas dans la Constitution ou en réservant des sièges aux femmes au Parlement.

Elle ajoute que le chemin n'est pas facile pour les femmes en termes de leadership politique, mais qu'elle continuera à défendre une représentation équitable au Parlement, même si elle a connu des difficultés en tant que conseillère.

D'après la Commission électorale indépendante du Botswana (IEC), l'égalité entre les sexes aux élections est freinée par beaucoup de facteurs. Les femmes ne votent pas pour leurs sœurs, pour les postes de direction par mesquinerie ou jalousie.

"Les femmes ne prennent pas des risques par nature et elles ont peur de se présenter à une élection comme candidate par peur de perdre l'élection ou de l'argent. Le manque de ressources peut aussi affecter l'égalité entre les sexes, en termes de leadership politique; les campagnes sont onéreuses et les finances sont généralement contrôlées par le chef de famille, le mari. Les femmes sont des dispensatrices de soins à la maison et pensent souvent qu'une carrière politique les éloignera de leur progéniture", explique Ngatange Mavis Mukungu de la Commission électorale indépendante.

Selon elle, la capacité des femmes à tirer pleinement profit des droits de l'Homme et à participer pleinement à la vie politique, notamment au système électoral, dépend entièrement de l'environnement sociétale du pays.

Les hommes ont habituellement contrôlé les finances familiales, ce qu'ils devront lâcher pour soutenir la carrière politique de leurs épouses, certains ne les laisseront pas s'aventurer en politique.

Le langage vulgaire utilisé dans les rassemblements politiques, humilie les femmes, les effraie et les éloigne de la politique et certains maris ne laisseront pas leurs épouses être ridiculisées par des candidats masculins des partis d'opposition.

Dumelang Saleshando, député et président d'un parti d'opposition, Botswana Congress Party, partage les mêmes sentiments que les femmes.

"La plupart des pays ont des problèmes similaires; c'est énormément lié au système électoral national. Le système uninominal majoritaire qui est utilisé dans le pays ne donne pas aux femmes une meilleure chance d'avoir une représentation politique au Parlement. Si nous mélangeons les deux systèmes électoraux, le système uninominal à un tour et la représentation proportionnelle, nous pourrions avoir une représentation des hommes et des femmes équilibrée au Parlement".

Professeur de Sciences politiques à l'Université du Botswana, Balefhi Tsie pense qu'il s'agit d'un long chemin qui commence dans l'enfance.

"Le jeune garçon doit aussi être éduqué dans le respect de la petite fille et pour qu'il la voie avec toutes ses capacités à diriger. La tradition persistera, si rien n'est fait sur la manière dont les hommes voient les femmes. Très peu d'hommes croient que les femmes ont des capacités en termes de leadership politique", estime le Professeur Tsie.
-0- PANA MS/MA/NFB/JSG/IBA 31jan2019