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L’acquittement de Gbagbo et de Blé Goudé dans la presse française

Paris, France (PANA) – L’acquittement puis le maintien en prison de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et de l’ancien chef du mouvement des "Jeunes patriotes", Charles Blé Goudé, accusés de crimes contre l’humanité ont largement inspiré les quotidiens français cette semaine.

"Gbagbo et Blé Goudé acquittés, Abidjan déchiré", a titré "Libération", qui relate que dans la capitale ivoirienne, mardi, les partisans exultaient, les victimes de la guerre civile étaient effondrées.

Laurent Gbagbo, 73 ans, était détenu depuis novembre 2011 dans la prison de Scheveningen à La Haye, jugé depuis 2016 pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment meurtres, viols et persécution commis lors de la crise post-électorale dans le pays fin 2010-début 2011 qui avait fait plus de 3.000 morts en cinq mois, selon l’ONU, a rappelé le quotidien "Libération".

Les parents des victimes assassinées ont estimé que c’est comme si la CPI venait de tuer leurs proches pour la seconde fois, alors pour les partisans de l’ancien président, la libération puis le retour de Gbagbo en Côte-d’Ivoire seront synonymes d’une réconciliation des Ivoiriens, a relaté "Libération".

"Erreurs et suspicions en série pour la CPI", a titré "Libération" dans un autre article, estimant que l’acquittement de Gbagbo, sonne comme un nouveau raté pour la CPI, tout en soulignant que dès le départ, la procédure était émaillée d’erreurs et soupçonnée d’interférences politiques.

"Mais en sept ans d’enquête et de procès, aucune des accusations n’a pu être démontrée. En revanche, les révélations récentes de Mediapart sur les échanges de mails et de confidences entre Moreno-Ocampo et des responsables français tendent à confirmer les soupçons d’une détention à caractère bien plus politique que judiciaire", a souligné le journal.

Ce n’est pas la première fois que se révèlent ainsi les failles de l’accusation à la CPI, souvent perçue en Afrique comme une institution qui ne s’attaque qu’aux Africains. La libération de Gbagbo intervient cinq ans après le non-lieu accordé au Kényan Uhuru Kenyatta et sept mois après l’acquittement en appel du Congolais Jean-Pierre Bemba.

Pour sa part, le quotidien "Le Monde" s’est interrogé dans son article titré: "CPI: pourquoi Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ne sont toujours pas libres", en expliquant que les juges d’appel ont bloqué la libération des deux Ivoiriens, le temps d’examiner la requête urgente du procureur qui demande de suspendre leur mise en liberté.

Le dossier judiciaire concernant l’ex-président ivoirien et l’ancien leader des "Jeunes patriotes" n’est pas encore refermé. Les débats sur l’appel pourraient durer un à deux ans jusqu’au verdict final, selon le quotidien.

Dans son éditorial, "Le Monde "a estimé que: "la Justice internationale est fragilisée après l’acquittement de Laurent Gbagbo", tout en ajoutant qu'un acquittement n’est pas une défaite en soi, c’est l’expression de la Justice. "Mais ceux qui ont été prononcés, mardi 15 janvier, révèlent, une fois de plus, ses faiblesses", a écrit "Le Monde".

Le journal a relevé que dans les échecs répétés de la CPI, on retrouve les mêmes causes, devenues systémiques: un mélange d’instrumentalisation politique et d’amateurisme, une notion parfois bien relative de l’intégrité et surtout l’absence de vision claire des responsables de la CPI, qui se donnent une ambition qui dépasse leur mandat.

"Ils veulent construire la paix – affaire de diplomates – quand on leur demande de rendre justice. A l’arrivée, ils échouent sur les deux tableaux", a déploré "Le Monde".

L’article du quotidien "Le Figaro" intitulé "acquitté, Laurent Gbagbo pèse fortement sur la Côte d'Ivoire" analyse les conséquences de cet acquittement sur la scène politique ivoirienne.

"Le retour de l'ancien président, qu'il intervienne aujourd'hui ou dans quelque temps, a déjà profondément modifié les équilibres politiques en Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo garde un auditoire certain et un poids qui en fait un acteur majeur à même de changer la donne. Les scènes de liesse qui ont éclaté à Abidjan à l'annonce de son acquittement le prouvent suffisamment", a souligné le quotidien.

Dans un autre article titré "Gbagbo restera en détention jusqu'au 1er février", "Le Figaro" a précisé que la détention des deux accusés sera maintenue, en attendant l'examen de l'appel du procureur sur leur mise en liberté, ont décidé les juges à la majorité, afin d’entendre d'autres arguments sur cet appel.

"L’Humanité" a "qualifié de décision historique la libération de Gbagbo dans un article titré: "Côte d’Ivoire: Laurent Gbagbo acquitté par les juges de la CPI car le procureur n’a pas démontré que des discours publics de M. Gbagbo ou de M. Blé Goudé auraient permis d’ordonner, solliciter ou encourager les crimes allégués", a indiqué le quotidien.

"Présenté comme emblématique, ce procès était censé consacrer la victoire du Droit international sur la violence politique. Son épilogue a des allures de naufrage pour la CPI, devant laquelle n’ont comparu, en vingt ans, que des Africains (26 affaires, pour la plupart toujours en phase de procès, 32 mandats d’arrêt dont 15 ont été exécutés, 6 prisonniers, un condamné)", a écrit "L’Humanité".

Dans son article intitulé "La CPI suspend la remise en liberté de Laurent Gbagbo", le quotidien "La Croix" a souligné que la plupart des tentatives de la Cour de juger des personnalités politiques de haut rang – presque toutes en Afrique – se sont soldées par des échecs ou des acquittements.

Même s’il est libéré, a ajouté "La Croix", Laurent Gbagbo est toujours sous le coup d’une condamnation de 20 ans en Côte d'Ivoire, qui date de janvier 2018 pour crimes économiques. Il est cependant peu probable que la Police ivoirienne tente de l’arrêter s’il retourne dans le pays, a écrit le quotidien.
-0- PANA BM/TBM/IBA 20janvier2019