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L’Opposition vent debout contre le changement constitutionnel au Togo

Lomé, Togo (PANA) - L’Opposition togolaise, comme un seul homme, est vent debout contre le changement constitutionnel intervenu dans la nuit de lundi, faisant passer le Togo d’un régime présidentiel à un régime parlementaire, sans passer par un référendum, ni par un dialogue avec la population.

Outre le changement de régime, cette révision constitutionnelle propulse le Togo dans la 5éme République, indiquent les députés.

Tout s’est joué tard dans la nuit de lundi.; les députés togolais, à trois semaines des élections législatives, ont voté une loi qui change la Constitution de 1992, plusieurs fois retouchée, faisant passer le pays du régime présidentiel à un régime parlementaire.

La proposition de révision constitutionnelle a été approuvée par 89 députés sur les 91 qui composent le Parlement. Un seul s’est abstenu et un autre a voté contre.

Selon le nouveau texte adopté et qui suscite le courroux de la classe politique proche de l’opposition, de la société civile et même des confessions religieuses, il appartiendra désormais au Parlement d’élire le président de la République. Plus besoin de passer par le suffrage universel.

Ainsi, se référant au nouveau texte, le Parlement, réuni en congrès « sans débat, »va élire  le président du Conseil des ministres qui est « le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaires à l’issue des élections législatives ».

Celui-ci (ndlr : le président du Conseil des ministres) conserve le pouvoir dans ses mains et aura « pleine autorité et le pouvoir de gérer les Affaires du gouvernement » pour un « mandat de 6 ans ».

Pour l’opposition, cette révision constitutionnelle faite en catimini et nuitamment par les députés majoritairement proches du pouvoir en place, dont le mandat avait pris fin le 31 décembre dernier et qui ne font qu’évacuer les affaires courantes en attendant les élections législatives prévues le 20 avril prochain, dans moins d’un mois, est un véritable « coup de force constitutionnelle ».

En outre, renchérit-elle, l’élection présidentielle aura lieu en 2025 et ce sera la fin du mandat du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 et qui a, lui-même, remplacé son père qui a dirigé le pays pendant 38 ans.

Pour l’historien togolais, Michel Goeh-Akue, la nouvelle Constitution est « faite pour que Faure Gnassingbé ait le pouvoir à vie » comme « dans un système monarchique ».

« Cette nouvelle Constitution est un passage en force, c’est un coup d’Etat constitutionnel », a indiqué mardi sur le réseau social X, Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT).

Dénonçant « un coup de force très grave », Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) et coordinatrice de la Dynamique pour la majorité des peuples (DMP), « le régime se met dans une logique de passer par tous les moyens pour se maintenir au pouvoir et ne veut plus, en aucun cas, être obligé de passer devant le peuple.

Mercredi 27 mars, l’opposition qui a décidé de ne pas accepter ce énième coup d’Etat constitutionnel, sonne le tocsin.

Plusieurs conférences de presse organisées ça et là dans la capitale ont été interrompues par les forces de l’ordre, arguant que les partis n’ont pas reçu d’autorisation pour leur tenue.

L’Alliance nationale pour le changement (ANC), un des partis politiques d’envergure dans le pays, dirigé par Jean-Pierre Fabre, dénonce également ce coup de force constitutionnel et affirme qu’il ne va pas accepter ce nouveau forfait de trop.

Déjà, 19 partis politiques et 16 organisations de la société civile regroupés au sein du Front « Ne touche pas à ma Constitution » opte pour une résistance face à ce changement constitutionnel.

Cependant, dans le camp du pouvoir, on pense que « la révision adoptée offre la possibilité de définir une nouvelle identité républicaine permettant de représenter efficacement la nation togolaise », estime Chantal Yawa Dzigbodi Tsègan, présidente de l’Assemblée nationale, à l’issue du vote lundi au Parlement. 

Pour le ministre des Droits de l’homme, chargé des Relations avec les institutions de la République, Pacôme Adjourouvi, « plus de trois décennies après l’adoption de la Constitution de 1992, les dispositions ne cadraient plus avec les réalités du moment. Cette révision apporte un nouveau régime plus représentatif. Une plénitude de pouvoir conféré au peuple par ses représentants »

Ainsi, à deux semaines du double scrutin, Législatives et Régionales, prévu le 20 avril, c’est le branle-bas de combat.

La Conférence des évêques du Togo (CET), dans un communiqué rendu public mardi, s’interroge, pour sa part, sur l’opportunité de cette réforme à quelques jours des élections législatives.

Pour elle, « un sujet aussi important qui va profondément changer la vie politique de notre pays ne devrait-il pas être précédé d’une large consultation et d’un débat national plus inclusif ? »

Elle invite le président de la République à ne pas promulguer cette nouvelle Constitution et à engager un « dialogue inclusif » avec la classe politique, les organisations de la société, après les résultats des élections législatives et régionales prévues le 20 avril prochain. Sera-t-elle entendue ?

-0- PANA FAA/JSG/SOC 28mars2024