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Face aux obstacles devant l'option militaire de la CEDEAO au Niger, un journal libyen entrevoit un scénario de sortie de crise

Tripoli, Libye (PANA) - Les opportunités de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour une intervention militaire au Niger, contre le coup d'État mené par le commandant de la Garde présidentielle, le général Abdourahmane Tchiani, le 26 juillet, et de rétablir le président renversé au pouvoir se sont éloignées, selon le journal libyen "Alsabaaah" qui a cité des obstacles comme l'opposition du Parlement au Nigéria, les divergences au Conseil de la sécurité et de la paix de l'Union africaine (UA) avant de proposer un scénario pour une solution à la crise.

Ce scénario est basé sur une courte transition de trois mois au cours de laquelle Bazoum sera exfiltré à l'étranger, les militaires regagneront leurs casernes et le pouvoir est remis au président de l'Assemblée nationale nigérienne pour organiser des élections générales.

Sous le titre: " Le putsch au Niger a-t-il dépassé la CEDEAO ?" le journal libyen paraissant à Tripoli, a affirmé que pourtant l'organisation régionale ne manque pas d'expérience en matière d'intervention militaire, car elle a déjà envoyé des forces armées dans plusieurs États membres du groupe qui ont été témoins de coups d'État ou de rébellions. Le journal assure toutefois toutes ces interventions n'ont pas connu une issue heureuse. Cette fois-ci, elle a traîné le pas pour des raisons inhérentes au Nigéria qui assure la présidence tournante de la CEDEAO; le Parlement nigérian a rejeté une demande du Président Bola Ahmed Tinubu, d'approuver le déploiement des forces nigérianes au Niger pour rétablir le président démocratiquement élu au pouvoir.

En effet, a rappelé le journal libyen, la CEDEAO a envoyé des forces militaires au Libéria en 1990, en Sierra Leone en 1998, en Guinée-Bissau en 1999, en Côte d'Ivoire en 2003, au Mali en 2013 et en Gambie en 2017.

Alsabaah a estimé que la CEDEAO a remporté des succès dans des pays et échoué dans d'autres, malgré le scandale qui a accompagné les soldats nigérians au Libéria, en particulier les violations enregistrées dans le domaine des droits de l'homme et la corruption de nombreux généraux nigérians. Le plus grand succès de ce groupe économique, politique et militaire était en Gambie, où il avait envoyé environ 7.000 soldats du Sénégal, pays qui entoure géographiquement la Gambie, obligeant Yahya Jammeh à céder le pouvoir au président élu, Adama Barrow, et à partir en exil.

 

Le regroupement régional dispose encore, selon le journal libyen, de mécanismes et d'outils pour faire pression sur les putschistes au Niger et les forcer à négocier. Au premier rang de ces mécanismes et outils, les pressions économiques qui, selon les observateurs, doivent s'intensifier jour après jour, aboutissant à la libération du Président Mohamed Bazoum et sa famille, leur exfiltration du Niger et l'imposition d'une transition qui n'excèdera pas trois mois. Le pouvoir sera exercé par la personnalité constitutionnellement habilitée après le président de la République, en l'occurence le président de l'Assemblée nationale. Ce dernier organisera des élections présidentielle et législatives prévues par la Constitution en cas de vacance du pouvoir.

Revenant à l'option militaire, le journal a indiqué qu'il semble que la CEDEAO ait freiné son élan vers une solution militaire pour plusieurs raisons, notamment l'imbrication ethnique entre les habitants du Nord du Nigéria et la majorité de la population du Niger de l'ethnie Haoussa, qui est l'une des plus grandes répandues sur le continent africain, et le plus grand des groupes ethniques nigérians, puisque leur proportion, selon certaines estimations, est le quart de la population du pays d'environ 200 millions d'âmes.

L'apparition d'une tendance ethnique raciste contre le Président Mohamed Bazoum sur fond de ses origines arabes, a émergé avec les victimes à Niamey, l'état de division au sein du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et la "froideur" des positions françaises et américaines sur le terrain, malgré les communiqués officiels de condamnation et les messages d'adhésion au retour de l'autorité légitimement élue, à un moment où ces deux pays, classés parmi les grandes puissances, ont une présence militaire remarquable sur le terrain au Niger, qui aurait pu débloquer la situation et obliger les militaires, dès les premières heures du putsch, à regagner leurs casernes.

Il y a, selon le journal, environ 1.500 militaires français stationnés au Niger dont la seule préoccupation semble être la protection des mines d'uranium et de la société Areva, la branche industrielle de la centrale nucléaire française, et environ 1.000 militaires américains, dont la seule préoccupation est l'entretien et la gestion de la base militaire destinée à mener ce que l'on appelle les guerres des "drones" dans la région du Sahel.

Aujourd'hui, la CEDEAO et derrière elle, l'Union africaine, doivent, d'après le journal, enlever le costume du gel de l'adhésion des pays africains face aux "aventuriers militaires" et prêter attention aux revendications de la jeunesse africaine qui représente plus de 60% de la population des pays de l'Union, et s'attaquer à la fièvre de la traversée du désert et aux voyages à bord des bateaux de fortune qui se sont propagés parmi eux.

Dès lors, estime le journal libyen, l'Union africaine doit réaliser que le temps des chefs de 54 États membres qui se réunissent deux fois par an à Addis-Abeba, en Ethiopie, ou dans n'importe quelle autre capitale africaine pour prononcer des discours ressassés depuis le siècle dernier est révolu, et elle doit écouter la voix des jeunes.

"Nous, en Afrique, avons vraiment besoin de nouvelles voix qui demandent le changement", a souligne le journal Alsabaah, assurant que les dirigeants africains actuels, qui ont été formés selon les exigences de l'héritage colonial, ne changeront pas leurs habitudes.
-0- PANA AD/BY/IS/SOC 18août2023