Centrafrique : Le chef des opérations de paix met en garde contre un retrait prématuré des casques bleus de l'ONU
Bangui, Centrafricaine (PANA) - Lors d'une visite à Bangui samedi, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU a salué la «trajectoire positive » de la Centrafrique, où des casques bleus sont déployés depuis la guerre civile qui a secoué le pays il y a dix ans. Jean-Pierre Lacroix a toutefois mis en garde contre les risques d'un retrait prématuré de la mission chargée d'assurer la stabilité régionale.
« L'impression générale qui prévaut [...] est que la République centrafricaine est sur une trajectoire positive », a déclaré le haut responsable dans une interview filmée depuis la capitale centrafricaine. Il s'agit là d'une note d'optimisme rare dans une région déstabilisée par le conflit sanglant au Soudan voisin et le nombre croissant d'attaques perpétrées par des groupes djihadistes à travers le Sahel.
Parmi les progrès réalisés, M. Lacroix cite le désarmement récent de plusieurs groupes armés, le renforcement de la présence de l'Etat dans tout le pays et les préparatifs des élections générales du 28 décembre, qu'il considère comme « une étape très importante ». Cette dynamique, affirme-t-il, s'accompagne d'une « reconnaissance unanime » du rôle central de la MINUSCA.
La mission de l'ONU a été déployée dans le pays en 2014, un an après que la Séléka, une coalition musulmane qui a depuis été officiellement dissoute, ait pris le pouvoir par la force. Les exactions commises par la Séléka à cette époque ont conduit à la formation de milices à prédominance chrétienne, connues sous le nom d'anti-Balaka, qui ont pris pour cible les civils musulmans du pays.
Malgré le déploiement des casques bleus de l'ONU, la mise en place d'un processus de paix et la tenue d'élections en 2016, l'instabilité continue de sévir dans le pays, selon UN News. Une grande partie du territoire reste sous le contrôle de groupes armés, malgré l'accord signé en 2019 entre 14 d'entre eux et le gouvernement.
Mais un tournant se profile : deux des mouvements les plus actifs, l'Union pour la paix en République centrafricaine (UPC) et le groupe Retour, Récupération et Réhabilitation (3R), ont accepté de déposer les armes en avril. Au total, 11 des 14 milices qui ont signé l'accord de 2019 ont été officiellement dissoutes, avec le soutien logistique et technique de la MINUSCA.
Mais cette trajectoire n'est pas sans tensions, notamment financières. La mission, qui compte plus de 13 000 soldats, ne reçoit pas toutes les contributions financières obligatoires dues par les Etats membres de l'ONU. «Ce qui se passe, c'est un problème de disponibilité de trésorerie », a déclaré M. Lacroix. À cette crise de liquidités s'ajoutent les récentes coupes dans le budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU. « Les missions, y compris la MINUSCA, doivent économiser 15% de leur budget », a-t-il précisé. Sur le terrain, cela se traduit par une réduction des capacités, qu'elles soient militaires, civiles ou policières.
Dans un pays où la logistique électorale dépend en partie de la MINUSCA – en termes d'inscription des électeurs, de sécurité des bureaux de vote ou de transport du matériel –, le risque est évident.
Le chef des opérations de maintien de la paix a toutefois insisté sur l'objectif de ces coupes : « Cet effort de réduction des coûts [...] n'est en aucun cas un signe de désengagement de la MINUSCA. Au contraire, c'est quelque chose que nous faisons pour préserver l'engagement de la MINUSCA. » Sans ajustements, a-t-il averti, la mission pourrait se trouver « contrainte de cesser ses opérations avant la fin de notre exercice financier, faute de fonds ».
Ces annonces ont ravivé les craintes à Bangui et dans plusieurs autres préfectures d'un retrait prématuré de la mission. M. Lacroix est catégorique : « Un départ prématuré risquerait de compromettre toutes les réalisations et les progrès importants accomplis en République centrafricaine».
Il décrit un environnement régional menaçant, où se croisent la guerre civile au Soudan à l'Est, la fragilité du Soudan du Sud voisin et, à l'Ouest, les crises sécuritaires du Sahel, où de nombreux groupes terroristes sont actifs. Dans ce contexte, affirme-t-il, la stabilisation de la République centrafricaine « est également essentielle pour la stabilité de la région ».
A moins d'un mois des élections, les défis s'accumulent. La mission travaille avec d'autres partenaires sur la logistique, la sécurité et la lutte contre la désinformation. Elle dit avoir entendu les avertissements de l'agence nationale des élections, notamment concernant les «messages négatifs», les «messages de haine» et la difficulté d'expliquer au public un scrutin «à plusieurs niveaux, à quatre niveaux ».
Le calendrier n'est toutefois pas négociable. « La fixation de la date des élections relève de la souveraineté des autorités centrafricaines », souligne M. Lacroix. A l'ONU, le mot d'ordre est de soutenir les autorités.
En novembre, le Conseil de sécurité a demandé au secrétaire général de l'ONU de présenter, d'ici le 15 septembre 2026, un rapport sur l'avenir de la MINUSCA. D'ici là, la mission devra poursuivre son soutien tout en ajustant ses priorités. « La MINUSCA doit continuer à opérer en République centrafricaine », a déclaré M. Lacroix
-0- PANA MA/BAI/IS 02dec2025




