Agence Panafricaine d'information

Les Emirats arabes unis seraient responsables de la mort de dizaines de migrants en Libye, selon un rapport confidentiel

Tripoli Libye (PANA) - Un pays étranger serait impliqué dans l'attaque aux missiles contre le centre d'accueil des migrants clandestins dans la banlieue- est de Tripoli, le 3 juillet dernier, qui a fait des dizaines de morts et de blessés et provoqué des dégâts importants, rapporte le site électronique du journal libyen paraissant au Caire, "El Wassat".

Citant la radio britannique "BBC", le journal ajoute que selon un rapport confidentiel des enquêteurs de l'ONU, un "avion de guerre originaire d'un pays étranger a lancé un missile contre le centre d'accueil des migrants dans la zone de Tajouera le soir du 3 juillet dernier".

Selon la même source, le rapport n'a pas cité nommément le pays étranger responsable de la tragédie, mais une source proche de l'enquête a accusé "les Émirats arabes unis" qui n'ont pas voulu commenter les informations données par le rapport.

Au total, 53 migrants avaient été tués et 130 autres blessés dans l'attaque contre ce centre, rappelle-t-on.

La mission des Nations unies en Libye avait condamné à l'époque l'attaque contre le centre, insistant sur le fait qu'elle pourrait être "considérée comme crime de guerre".

L'Envoyé spécial de l'ONU en Libye, Ghassant Salamé, avait vigoureusement condamné l'acte, affirmant qu'"il est susceptible d'être clairement traité comme un crime de guerre, car tuant des innocents que la situation précaire a amené à se retrouver dans ces lieux".

"Cette guerre stupide en cours actuellement, est parvenue à la plus sanglante boucherie avec des résultats tragiques", avait ajouté M. Salamé.

La majorité des migrants tués dans le centre de Tajoura venaient des pays subsahariens et tentaient de rejoindre l'Europe par la Libye, signale-t-on.

Des centaines de migrants originaires de pays africains, asiatiques et arabes, sont casés dans des conditions de précarité absolue dans des centres dépourvus du minimum vital depuis la chute du régime du colonel Moammar Kadhafi en 2011, plongeant la Libye dans un chaos sécuritaire quasi total.

Ces migrants sont arrivés en Libye clandestinement, convoyés par des trafiquants d'êtres humains, pour tenter, à bord d'embarcations de fortune, de se rendre en Europe en traversant la Méditerranée.

Ils ont, dans leur grande majorité, fui leurs pays respectifs à cause des conflits armés, de la pauvreté due à des conditions économiques difficiles et du chômage.

Mais, la Libye continue, malgré la situation d'insécurité qui y prévaut, d'accueillir des centaines de milliers de migrants originaires de plusieurs pays africains et qui travaillent dans le secteur privé, dans l'agriculture, le bâtiment et dans d'artisanat (menuiserie, forge et mécanique).

Ils partagent la vie avec les Libyens et envoient de l'argent à leurs parents restés au pays par des structures de transfert d'argent compliquées et moins sûres, mais plus rapides et plus chères que les banques officielles, pouvant atteindre jusqu'à 30 pc des sommes transférées.

Le nombre des victimes du centre de Tajoura est considéré comme le plus élevé à la suite d'attaques aux missiles depuis le début de la campagne militaire lancée le 4 avril dernier par le maréchal Khalifa Haftar pour prendre le contrôle de Tripoli et de toute la région Ouest de la Libye et dans le but de destituer le gouvernement d'entente nationale libyen reconnu par la Communauté internationale.

Le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, avait, en son temps, condamné vigoureusement l'attaque contre le centre de Tajoura et demandé l'arrestation et la poursuite des responsables de ce crime qu'il avait qualifié "d'horrible".

Il avait appelé à "une enquête indépendante pour garantir la punition des responsables de ce terrible crime contre des innocents", réaffirmant son "appel à un cessez-le-feu immédiat et à la nécessité pour les parties en conflit de protéger les civils, notamment les migrants pris au piège dans des centres de rétention".

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, avait, de son coté, estimé que "cette attaque serait un crime de guerre, selon des conditions précises".

Le gouvernement d'entente nationale libyen avait accusé "un avion des Émirats arabes unis d'être responsable de l'attaque", alors que l'armée du maréchal Haftar avait, dans un premier temps, estimé que l'attaque était légale avant de nier son implication, rappelle-t-on.

"Une Commission travaillant au sein du Conseil de sécurité a passé plusieurs mois pour tenter de déterminer le ou les responsables de l'attaque", a affirmé la "BBC", ajoutant avoir eu connaissance d'un rapport confidentiel qui sera présenté à l'instance onusienne.

La même source a précisé que le rapport cite des preuves fournies par une source anonyme qui affirme que plusieurs "Mirages 9-2000" étaient utilisés dans deux bases à l'intérieur de la Libye au moment de l'attaque, indiquant que l'Égypte et les Émirats arabes unis qui soutiennent le maréchal Khalifa Haftar, sont propriétaires de nombreux Mirages qui combattent en Libye.

Selon "BBC", un porte-parole de l'armée égyptienne a refusé de "commenter les informations données par le rapport avant sa parution".

Le rapport indique que "deux bases : Jufra (Centre) et Khadem (Est) sont utilisées par des Mirages.

En 2017, les Nations unies avaient affirmé que les Émirats arabes unis ont créé la base de Khadem et apporté leur soutien au maréchal Haftar, rappelle-t-on.

Le rapport soutient qu'il "est très probable que l'attaque soit menée par l'utilisation de missiles dirigés avec précision par des avions de guerre appartenant à un pays membre des Nations unies et qui soutient directement les forces du maréchal Haftar".

Mais le rapport ne cite pas le nom du pays, affirmant que "l'enquête continuait pour l'obtention de plus de preuves".

Le Conseil de sécurité impose un embargo contre l'importation des armes en Libye, mais l'envoyé de l'ONU a plusieurs fois affirmé que "de nombreux pays violent l'embargo et fournissent les parties en conflit en armes, pendant que d'autres participent directement à la guerre".

Le Conseil d'État libyen, qui est un conseiller consultatif selon l'accord de Skhirat (Maroc), signé en décembre 2015, a appelé dans un communiqué publié tard dans la soirée de lundi dernier, à l'issue de sa réunion, le gouvernement d'entente nationale à boycotter et à traîner devant la justice les pays qui, à ses yeux, "soutiennent une guerre illégale et qui sont impliqués directement dans l'agression et à la tête desquels les Émirats arabes unis".

-0- PANA AD/IN/JSG/SOC 7nov2019