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Le Sénégal condamné à payer 50 millions de francs CFA à une Belge pour violation des droits

Abuja, Nigeria (PANA) - La Cour de la CEDEAO a condamné le Sénégal à payer 50 millions de francs CFA en guise de dommages et intérêts à une Belge, Mme Lays Catherine Joséphine Ghislaine, pour avoir violé son droit à la liberté lors de sa détention dans le pays avant son extradition cinq ans auparavant.

En rendant son jugement le lundi 26 octobre 2020, la juge Januaria Moreira Costa a déclaré la république du Sénégal mise en cause, responsable de la violation du droit à la liberté de la plaignante, mais a estimé que l'État n'avait pas porté atteinte à son droit à la dignité, la deuxième requête invoquée dans la demande d'ouverture de procédure. Elle a également rejeté les autres requêtes invoquées par la plaignante, les qualifiant de non fondées.

Mme Ghislaine avait, dans sa requête introductive d'instance, dans le cadre du procès n° ECW/CCJ/APP/01/19 déposé le 7 janvier 2020, allégué avoir été arbitrairement arrêtée en septembre 2015 en exécution d'un mandat d'arrêt international émis par un tribunal belge et détenue en prison par des services de l’Etat, mis en cause pour la période pendant laquelle elle avait été soumise à des traitements dégradants dans le cadre de son extradition vers la Belgique.

La plaignante a ajouté que la procédure d'extradition avait dépassé le délai de 30 jours prévu par la loi sénégalaise relative à l'extradition.

Elle a affirmé que bien que l'ordre d'extradition ait été émis le 14 juin 2016, elle a finalement été extradée le 24 novembre 2016, en violation de la loi sénégalaise qui prévoyait que la victime, si elle n'était pas extradée dans les 30 jours, devait être libérée. 

Son avocat, M. Assane Dioma Ndiaye, a fait valoir que sa cliente avait également entamé une grève de la faim et avait été diagnostiquée à tort comme ayant un cancer, avec la peur et l'anxiété qui l'accompagnaient, et a donc demandé à la Cour de déclarer l’Etat responsable des violations, et de lui verser 500 millions de francs CFA à titre de réparation, ainsi que les frais de justice.

En réponse, l’Etat, mis en cause, n'avait pas contré les prétentions de la requérante sur le droit applicable en matière d'extradition, mais a fait valoir que la requérante n'avait fourni aucune preuve à l'appui de ses prétentions d'être détenue au-delà du délai prévu.

L’Etat avait en outre fait valoir que la grève de la faim engagée par la requérante a eu lieu pendant la période légale de détention et que le rapport médical établi par une organisation non gouvernementale (ONG) ne faisait que soupçonner un cancer.  

L’avocat a ajouté que la requérante n'a pas prouvé que la maladie était directement ou indirectement liée à sa détention.

Les juges Gberi-Be Ouattara et Dupe Atoki faisaient également partie du jury.

Dans un autre procès, la Cour a absous le gouvernement sénégalais de la violation du droit d'un Sénégalais, M. Siny Dieng, qui a été jugé et condamné pour blanchiment d'argent et les fonds saisis par le gouvernement.

Dans le jugement, également rendu par le juge rapporteur, le juge Januaria Moreira Costa, la Cour a rejeté l'allégation du plaignant selon laquelle le procès et la saisie des 100 millions de francs CFA estimés sur ordonnance d'un tribunal ont violé son droit à un procès équitable et à la propriété tel que garanti par divers textes juridiques cités dans la requête introductive d'instance n° ECW/CCJ/APP/50/19.

M. Dieng, a affirmé que l'argent était un revenu provenant d'un travail effectué en Europe pendant neuf ans, au cours desquels il a économisé et rapatrié environ 100 millions de francs CFA dans son pays d'origine.

De son côté, l'avocate de l’Etat sénégalais, Mme Ramatoulaye Ly, a soulevé une exception préliminaire dans laquelle elle a fait valoir que la Cour n'était pas compétente pour juger l'affaire car cela reviendrait à ce que la Cour s'immisce dans les lois nationales et révise la décision finale d'une juridiction nationale.

Elle a également fait valoir que les droits du plaignant ont été respectés car il a bénéficié d'un procès équitable et a été représenté par ses avocats pendant toute la procédure devant les tribunaux nationaux et a même fait appel de la décision jusqu'à la Cour suprême.

Mme Ly a en outre fait valoir qu'il n'y avait pas eu violation de la présomption d'innocence et que le requérant avait été condamné et l'argent saisi sur la base de la loi d'État n° 2004-09 du 6 février 2004 relative à la lutte contre le blanchiment d'argent.

L'Etat a ensuite demandé à la Cour de rejeter l'affaire comme étant non fondée.

L'affaire a été jugée par un panel de trois juges, dont les juges Dupe Atoki et Keikura Bangura.

-0- PANA VAO/ASA/TBM 27oct2020