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La tenue des élections en Libye est liée au retrait des combattants étrangers du pays, selon un journal libyen

Tripoli Libye (PANA) - La réunion ministérielle des pays voisins de la Libye, tenue lundi et mardi derniers à Alger, n'a pas trouvé de compromis convaincants pour les États qui disposent de milliers de combattants et de mercenaires dont le Tchad et le Soudan, de les retirer de ce pays d'Afrique du Nord.

Commentant cet échec, le journal libyen paraissant au Caire, en Égypte, "Al-Wassat," a estimé dans un long article que les Nations unies et les pays du voisinage "considèrent que la solution politique en Libye est conditionnée par la fin définitive des interventions étrangères, surtout si l'on sait que ces ingérences sont motivées par des calculs chez les puissances concernées, relatifs à la période post-electorale et d'autres calculs liés au partage des opportunités et de l'influence".

La réunion d'Alger, à laquelle ont pris part sept pays, des représentants d'organisations onusienne, africaine et arabe, a mis l'accent sur l'aspect sécuritaire de la crise qui est dominée par des effets négatifs illimités dont l'intervention étrangère, la présence de groupes terroristes, des milices, des mercenaires qui règnent dans un pays sans armée unifiée.

Suite à des alertes sur la violation de l'Accord de cessez-le-feu, les pays voisins de la Libye s'activent pour garantir le maintien de cet acquis politique et de ce fait empêcher la répercussion de la situation sur la sécurité intérieure du pays et permettre la réactivation des deux sous-commissions ad-hoc politique et sécuritaire, présidées respectivement par l'Algérie et l'Egypte, surtout si l'on sait que la sécurité en Libye garantit d'importantes opportunités d'investissement dans ce pays.

Citant l'analyste politique libyen, Faraj Farkach, le journal a écrit : "la réunion des sept pays voisins entre dans le cadre du soutien à la Libye pour sécuriser ses frontières et pour évacuer les mercenaires étrangers notamment ceux originaires des pays africains qui s'y opposent actuellement".

Le Tchad a accusé des groupes armés venus de la Libye de mener des attaques à l'intérieur de son territoire ce qui avait provoqué la mort de l'ancien président tchadien, Idriss Déby, lors des affrontements entre l'armée tchadienne et ces groupes en avril dernier, rappelle-t-on.

La réunion des pays voisins intervient au moment où un rapprochement est noté entre l'Algérie et l'Egypte afin de faire pression sur les parties à l'intérieur pour sauver les prochaines élections qui font face à des obstacles pour leur tenue le 24 décembre prochain.

Certains observateurs misent sur les pressions algériennes et égyptiennes pour convaincre des parties libyennes de ne pas présenter de candidats afin de permettre la tenue et la réussite de l'élection présidentielle, après que la Chambre des représentants (Parlement) a donné son accord pour des élections aux suffrages universels.

Afin d'assurer la fin de la circulation anarchique des armes et l'insécurité qui sévissent en Libye et ses environs, la réunion d'Alger "a appelé à l'évacuation de toutes les forces et de tous les combattants et mercenaires étrangers présents dans le pays, conformément à la résolution 2570 du Conseil de sécurité des Nations unies et l'Accord sur le cessez-le-feu permanent avec la nécessité d'associer les pays voisins à toutes les réunions consultatives ou aux processus qui seront ultérieurement initiés, à cet égard avec le comité militaire libyen "5+5".

Pour les Nations unies, le retrait des combattants étrangers et des groupes armés doit se faire simultanément avec le règlement des causes profondes de l'insécurité à travers, notamment,  la réconciliation globale et la restauration de la paix.

Mais, ce qui complique le dossier du retrait des combattants étrangers est l'impossibilité de convaincre les autorités tchadiennes et soudanaise sur la question liée au retour de milliers de combattants et de mercenaires à ces pays car le Tchad comme le Soudan considèrent que ce retour constitue un danger mortel pour leur sécurité.

Concernant la Turquie qui est intervenue directement dans la crise libyenne, elle ne reconnaît que ses forces installées dans la base "Al-Watia" située à Tripoli et refuse tout lien avec les combattants syriens, chose qu'elle partage avec la Russie qui dément avoir envoyé les mercenaires de la société Wagner en Libye.

La première réaction décisive et préventive par rapport au retrait des combattants est venue du président du Conseil militaire tchadien de transition, Mahamat Idriss Déby, lors de sa rencontre avec le président du Conseil de souveraineté du Soudan, Abdel Fattah Burhan à Khartoum.

M. Déby a exprimé son refus "du retour à leurs pays, des combattants tchadiens et soudanais qui se trouvent en Libye et qui sont formés, entraînés, financés et armés par des forces étrangères", ajoutant qu'"il est nécessaire de les empêcher de quitter la Libye à cause de la menace flagrante qu'ils représentent sur la sécurité et la stabilité du Tchad et du Soudan".

Les gouvernements tchadien et soudanais ont convenu d'étudier ensemble et de façon urgente cette menace commune, alors qu'on s'accorde pour dire que cette décision aura des répercussions sur la relance de l'accord sécuritaire, gelé depuis trois ans, avec la Libye car la question du départ des combattants étrangers sera un obstacle lors de la relance du travail conjoint pour la sécurisation des frontières.

L'Algérie est allée même jusqu'à lier la réussite des prochaines élections, prévues en décembre, au retrait des forces, combattants et mercenaires étrangers présents en Libye.

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, s'exprimant lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue libyenne, Najla al-Mangouch, a affirmé que "le retrait de ces forces ne relève pas des prérogatives du gouvernement libyen mais de la responsabilité de la Communauté internationale et cela doit être clair".

Pour les autorités algériennes, la Libye est la première victime de ces éléments irréguliers et la menace est aussi valable pour d'autres pays voisins si l'on ne parvient pas à retirer les mercenaires de façon transparente et organisée sous le contrôle de la Communauté internationale.

"Les pays qui ont envoyé des mercenaires en Libye doivent les retirer et les ramener là d'où ils venaient", a notamment martelé M. Lamamra.

Les pays voisins insistent sur la nécessité de les associer au processus de l'évaluation des combattants étrangers et se proposent de prendre part aux travaux du comité militaire conjoint "5+5" chargé de la question afin de faire entendre leurs points de vue sur la question.

Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jerandi, partage le même point de vue que son homologue algérien, demandant lors d'un discours adressé à la réunion d'Alger la mise en place d'un agenda pour le retrait des combattants et mercenaires étrangers dont la présence en Libye représente une menace sérieuse et dangereuse non seulement sur la Libye et son processus de transition ,mais pour toute la région, notamment, sur les pays voisins.

Il a plaidé afin que ce retrait "soit bien étudié et coordonné" afin d'éviter que les organisations terroristes ne l'exploitent pour semer davantage de chaos, d'anarchie et de violences et pour éviter qu'il ne soit une cause pour l'augmentation des actes terroristes, crimes organisés, traite des êtres humains et infiltration des mercenaires dans les pays voisins à travers les réseaux de la migration clandestine.

L'Envoyé spécial de l'ONU en Libye, Jan Kubis, a révélé que le comité militaire conjoint "5+5" envisageait de mettre en place un plan de travail pour l'évaluation ordonnée et par étapes à commencer par les mercenaires et les combattants étrangers, précisant que ce plan fera l'objet de concertation avec les partenaires internationaux concernés.

Il a sollicité leur soutien et  leur coopération, ainsi que ceux des pays voisins, affirmant que le déploiement du premier contingent d'observateurs de l'ONU pour surveiller le cessez-le-feu sera effectif dans les prochaines semaines.

"La responsabilité juridique et morale de l'évaluation des mercenaires et combattants étrangers relève des pays qui les ont déployés en Libye. On ne doit pas faire porter à la Libye plus qu'elle est en mesure de porter", a dit l'analyste Farkach, cité par "Al-Wassat", appelant les États-Unis et les pays européens à faire pression sur ces pays pour qu'ils retirent leurs combattants.

-0- PANA AD/IN/JSG/SOC 03sept2021