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Etats-Unis : Le procureur de la CPI appelle à un cessez-le-feu en Libye

New York, États-Unis (PANA) - Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a exhorté les parties belligérantes de la Libye à mettre en œuvre leur récent accord historique de cessez-le-feu, qu'il qualifie de "développement concret bienvenu" pour une population qui aspire à la paix. 

Fatou Bensouda a lancé cet appel lors de sa présentation au Conseil de sécurité, mardi, quelques semaines seulement après que le gouvernement d'accord national (GNA) et l'armée nationale libyenne rivale (LNA) ont signé l'accord à Genève sous les auspices des Nations Unies. 

"C'est en effet un développement concret qui est le bienvenu. Nous appelons les parties à mettre en œuvre avec assiduité l'accord afin d'apporter au peuple libyen la paix et la stabilité tant attendues", a-t-elle déclaré lors de la réunion virtuelle. 

"Les victimes de crimes atroces en Libye doivent être rassurées sur le fait que, nonobstant tout cessez-le-feu ou accord futur, les individus présumés responsables de crimes graves relevant de la compétence de la Cour pénale internationale seront rapidement arrêtés et remis à la Cour pour faire face aux accusations de leurs crimes présumés". 

Une déclaration des Nations Unies a indiqué que depuis près de dix ans, la CPI enquête sur des crimes contre l'humanité, ainsi que sur des crimes de guerre, qui auraient été commis en Libye. 

Le pays est en proie au chaos depuis le renversement en 2011 de l'ancien dirigeant, feu Mouammar Kadhafi, ce qui a conduit les deux administrations rivales, la GNA étant basée dans la capitale, Tripoli, et l'Armée nationale libyenne (LNA) contrôlant de vastes zones dans l'Est. 

Dans sa mise à jour adressée aux ambassadeurs, Mme Bensouda a indiqué que malgré les défis posés par la pandémie COVID-19, la CPI reste "résistante et productive", avec deux missions d'enquête cruciales déployées en Libye depuis mai. 

Son Bureau a engagé des discussions avec les autorités suite à la découverte de plusieurs fosses communes en juin.  À ce jour, plus de 100 corps ont été exhumés. De nombreuses victimes avaient les yeux bandés et les mains liées. 

La déclaration indique que la CPI a également reçu des informations sur l'offensive récemment terminée sur la capitale, Tripoli, menée par la LNA et les forces de soutien.  

Mme Bensouda a déclaré que l'opération a répété un schéma de violence précédemment enregistré dans d'autres villes, impliquant des frappes aériennes et des bombardements aveugles de zones civiles, des enlèvements arbitraires, la détention et la torture de civils, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées. 

Son Bureau a également reçu des informations crédibles indiquant une utilisation accrue de mines terrestres et d'engins explosifs improvisés contre des civils, qui ont été découverts à la suite du retrait des forces de Tripoli et des zones environnantes. 

"Des mines et des engins explosifs improvisés auraient été placés dans les garages, les cuisines et les chambres à coucher de maisons civiles. De nombreux civils qui sont rentrés chez eux après avoir fui les combats ont été tués ou blessés parce que leurs maisons étaient piégées par de tels engins", a-t-elle déclaré. 

Le procureur a qualifié la menace, l'utilisation et l'ampleur de ces armes de "profondément inquiétantes", avec près de 50 personnes tuées rien qu'entre mai et juillet. 

"J'encourage ce Conseil et tous les membres des Nations Unies à transmettre une fois de plus un message clair - un message clair et ferme aux commandants, qu'ils soient militaires ou civils, et à toutes les parties et groupes armés impliqués dans le conflit libyen - que les règles du droit international humanitaire doivent être respectées, et que ceux qui défient ces règles seront tenus individuellement responsables". 

Selon la déclaration, le briefing de Mme Bensouda a porté sur d'autres aspects de la situation en Libye, notamment le ciblage des civils pour avoir exprimé leur opposition aux milices, les allégations de crimes graves commis dans les prisons et les centres de détention, et les crimes contre les personnes déplacées et les migrants. 

Elle a également souligné une préoccupation récurrente pour la Cour : le fait que trois Libyens faisant l'objet de mandats d'arrêt de la CPI n'ont pas été arrêtés et remis à la Cour.  

Il s'agit du fils de l'ancien président, Saif Al-Islam Kadhafi, et de Mahmoud Mustafa Busayf Al-Werfalli, commandant d'une brigade d'élite de l'Armée nationale libyenne, accusé d'avoir tué plus de 40 civils. 

"La non-exécution des mandats d'arrêt est le principal obstacle à nos capacités collectives à donner de l'espoir au peuple et aux victimes de crimes en Libye. J'invite instamment ce Conseil et les États membres à prendre des mesures efficaces et concrètes pour garantir que des refuges ne soient pas offerts aux fugitifs qui font l'objet de graves accusations pénales devant la Cour pénale internationale", a-t-elle déclaré. 

Tout au long de son exposé, Mme Bensouda a souligné l'engagement de la CPI à rechercher la justice en Libye. Toutefois, elle a conclu par une vision plus large du rôle de la Cour dans le monde.  

 
"Nous nous trouvons à une époque où des forces puissantes cherchent de plus en plus à saper le cours de la justice pénale internationale en tant que continuation de la politique par d'autres moyens", a-t-elle déclaré au Conseil. 

 

"Ce qu'il faut aujourd'hui, plus que jamais, c'est un soutien accru à la CPI, à son indépendance et à son impartialité, sans oublier l'Etat de droit à l'échelle internationale", a-t-elle déclaré. Tout acte qui peut obstruer ou entraver la reddition des comptes pour les crimes commis doit être évité", a-t-elle conclu.

-0- PANA MA/VAO/BAI/IS 10nov2020