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Escalade militaire en Libye, les clés de la solution se trouveraient-elles à l'étranger?

Youssef Ba, correspondant de la PANA

Tripoli, Libye (PANA) - Les affrontements armés se poursuivaient toujours ce mardi, au dix-huitième jour de l'offensive de forces de l'Armée nationale libyenne contre Tripoli, au moment où les efforts de cessez-le-feu butent sur la condition du retrait des troupes du maréchal Khalifa Haftar à leurs positions antérieures, ce que seuls les pays étrangers, qu'on a accuse d'attiser le conflit en Libye, peuvent, paradoxalement, obtenir, selon les analystes de la scène politique en Libye.

En effet, les combats se déroulent toujours dans la périphérie Est et Sud de Tripoli, où l'Armée nationale libyenne, dirigée par Khalifa Haftar, qui a lancé le 4 avril courant une offensive dans la région Ouest et contre Tripoli, a été contenue par l'Armée loyale au gouvernement d'union nationale et les groupes armés qui lui sont fidèles.

Après plus de deux semaines de combats acharnés, au cours desquels,  différents types d'armes ont été utilisées, notamment les armes lourdes, les chars et l'aviation, faisant 147 morts et 614 blessés et 9500 déplacés, causant des dégâts collatéraux considérables dans les biens publics et privés, aucun des deux camps n'est parvenu à prendre le dessus.

Une situation qui conforte l'opinion dominante aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur, sur la réalité qui a fini par s'imposer sur le fait qu'il n'existe pas de solution miliaire en Libye.

Après plus de huit ans d'affrontements généralisés et de chaos sécuritaire depuis la révolution du 17 février 2011 en Libye, aucun camp n'est arrivé à prendre le contrôle du pays.

L'analyste politique, Slah Fitouri, explique "l'offensive militaire lancée par Khalifa contre Tripoli par l'euphorie que lui a procurée son éclatante victoire dans le Sud qu'il a occupé en quelques jours sans grande résistance".

"Pensant (Haftar) rééditer le même exploit à l'Ouest, il a lancé ses troupes sans saisir les différences qui existent entre les deux régions", a-t-il indiqué, affirmant que le contexte dans l'Ouest du pays où Haftar comptent de nombreux opposants et ennemis est sans commune comparaison avec le Sud du pays".

A cet égard, l'Envoyé de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, a indiqué qu'il est devenu clair que Khalifa Haftar a des desseins politiques, à savoir prendre le contrôle de Tripoli, siège des institutions, précisant dans un entretien accordé lundi à la Radio BBC en anglais que Haftar a accepté un cessez le-feu, mais refuse de revenir à ses positions antérieures, tandis que le gouvernement d'union nationale pose deux conditions: le cessez-le feu et le retour des troupes assaillantes d'où elles sont venues.

M. Salamé a déploré les divisions au sein du Conseil sécurité de l'ONU, précisant qu'elles ne font que compliquer davantage la situation en Libye en favorisant l'entêtement des belligérants.

Il a promis d'œuvrer à l'harmonisation des positions de ses pays membres afin de l'adoption d'une attitude commune pour faciliter la désescalade en Libye.

Concernant les soutiens militaires des pays étrangers, l'Envoyé de l'ONU a affirmé que les deux camps en bénéficient, précisant que des informations font état de l'arrivée, samedi dernier, de deux avions des Emirats arabes unies à Benghazi (est) ainsi que de l'arrivée d'un navire turque dans les ports de l'Ouest.

Mais pour lui, tant qu'il s'agit du même type d'armes, cela peut être relativement admissible, mettant en garde contre l'introduction d'armes sophistiquées, en allusion à des missiles sol-airs capables d'abattre des avions.

"Ma plus grande crainte est la possibilité d'une intervention étrangère directe dans la guerre. Ce sera un grand changement dans les règles du jeu, et cela rendra les choses très difficiles, car s'il y a une intervention étrangère directe dans la guerre, cela conduira à une contre-intervention des autres parties", a souligné M. Salamé lors de l'entretien avec la BBC.

Il a formulé l'espoir que "cette guerre demeure libyo-libyenne parce qu'il sera possible de la gérer, plus qu'une guerre par procuration ou par une intervention étrangère directe". "Si elles (des parties étrangères) envoient des armes ou de l'argent, c'est déjà assez grave, mais s'il y a une quelconque intervention directe de l'étranger, cela changera les règles du jeu et c'est très inquiétant".

Autant l'étranger contribue à attiser le conflit en Libye, autant il détient les clés pour une issue à cette escalade militaire.

Comme cela a été confirmé par l’Émissaire onusien, les deux camps sont appuyés militairement par d'autres pays qui ont certainement des moyens pour exercer des pressions, afin de les ramener à la raison ou d'accepter de faire des concessions.

C'est en tout cas ce qui ressort de l'appel du président du Parlement européen, Antonio Tajani, aux gouvernements italien et français à "mettre fin à la saison de bras de fer entre eux et à trouver une solution pour stabiliser la Libye".

"Si la situation persiste, il n'y aura que des morts et des migrants tentant de fuir vers nos côtes européennes", a-t-il ajouté dans une déclaration à des médias italiens.

"Le devoir de l'Union européenne est de réunir les Français et les Italiens pour parvenir à un accord. Les Français ont commis des erreurs, mais l'Italie a une présence très faible qui ne peut être efficace", a précisé cet élu européen issu des rang du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi.

Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué, de son côté, lundi que son pays poursuivait ses efforts par des voies bilatérales et multilatérales pour encourager une trêve impliquant toutes les parties libyennes à mettre fin aux combats à Tripoli.

"Cela fonctionne par des canaux bilatéraux et multilatéraux, ainsi que par le travail du Conseil de sécurité des Nations unies, de l'Union européenne et du Groupe des sept pays industrialisés, afin qu'un cessez-le-feu puisse être instauré en Libye", a déclaré le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué.

"Paris demande non seulement la cessation immédiate des hostilités, mais également que les combattants respectent le droit international humanitaire et renouent le dialogue politique", a ajouté le ministère.

Pour sa part, la ministre italienne de la Défense, Elisabetta Trenta, a déclaré lundi que la solution diplomatique en Libye était la seule solution viable pour son pays, ajoutant que "la diplomatie doit être élevée au plus haut niveau". 

Mme Trenta a souligné aussi que son pays devrait poursuivre le dialogue avec toutes les parties impliquées dans le conflit, en attendant une solution non militaire.

Si la volonté de la France, membre du Conseil de sécurité et soutenant Haftar et celle de l'Italie appuyant le camp de l'Ouest de la Libye se retrouvent, il se peut qu'une trêve soit trouvée le plus rapidement possible, estiment les observateurs.
-0- PANA BY/JSG 16avr2019