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Après un début prometteur, les Libyens nourrissent de grands espoirs à l'égard des pourparlers militaires

Tripoli, Libye (PANA) - La symbiose qui s'est dégagée de l'ambiance ayant régné parmi les délégués des parties au conflit libyen au cours des deux premières sessions, lundi et mardi, du quatrième round des pourparlers inter-libyens de la Commission militaire 5 +5 tenues à Genève, en Suisse sous les auspices des Nations Unies, a fait placer la barre très haute. Les espoirs nourris par les Libyens à l'égard de la concrétisation de résultats positifs sur la voie de l'apaisement de la tension en prélude au règlement de la crise, se sont accrus davantage.

 

Les premiers résultats dévoilés par la Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général de l'ONU et cheffe de la Mission d'Appui des Nations Unies en Libye (MANUL), Stephanie Williams préjuge des grands progrès réalisés lors des rencontres directes entre délégations d'officiers supérieurs militaires représentant le gouvernement d'union nationale et l'armée nationale libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Hafrar.

 

Se félicitant de l'esprit dont ont fait preuve les délégués libyens des deux camps, animé par "un grand degré de patriotisme et de professionnalisme et une insistance sur le maintien de l'unité de la Libye et la défense de la souveraineté du pays", Mme Williams a affirmé qu'ils ont convenu de l'ouverture des routes terrestres sur les fronts à l'Est, au Sud et au Centre avec des dispositifs de sécurité conjoints de manière à établir la communication entre les villes libyennes et permettre aux citoyens de se déplacer.

 

Ils ont convenu de rétablir les vols aériens entre Tripoli et Benghazi (Est) et d'assurer la desserte aérienne de Sebha (Sud), a rapporté la responsable onusienne qui a affirmé que ces mesures sont de nature à alléger les souffrances des citoyens libyens et de faciliter leur vie.

 

Au cours de leurs discussions qui se poursuivront jusqu'à samedi prochain, les délégations ont décidé de faire taire les discours de haines et d'incitation à la violence dans les médias et de promouvoir les initiatives des dignitaires des tribus libyennes pour assurer la réconciliation.

 

Autre point sur lequel une grande avancée a été réalisée, selon la cheffe de la MANUL, la décision de restructuration de la garde des installations pétrolières chargée de sécuriser les sites de pétrole en collaboration avec un délégué de la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) de manière à assurer l'augmentation du flux de la production du brut, principale source de revenus de l'Etat après plus de 8 mois de blocus.

 

Mais c'est surtout l'optimisme qui a animé la Représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU, Stephanie Wiliamas au vu de la réalisation d'un cessez-le-feu permanent et durable dans le pays au bout de ces pourparlers qui a retenu l'attention des Libyens.

 

Pour l'analyste politique libyen, Aymen Al-Houni, "l'importance des pourparlers militaires réside dans le fait que leurs résultats influeront nécessairement sur les autres pistes du dialogue inter libyen, l'économie et la politique, car ils sont interdépendants ", assurant que "le maintien du cessez-le feu et sa durabilité favoriseront, sans nul doute, la stabilité et au-delà, baliseront la route à la réussite de la transition attendue dans le pays à l'issue du Forum politique".

 

M. Al-Houni a souligné aussi que "la conjoncture qui s'est accélérée dans le pays est favorable au consensus afin de sortir le pays de la guerre qui n'a fait que perdurer les activités", indiquant que "cette situation a permis aux membres de la Commission militaire d'avancer".

 

Selon lui, "il y a une impatience chez les Libyens de tourner la page du chaos sécuritaire pour aller de l'avant vers la reconstruction de l'Etat, car les effets de l'insécurité ont commencé à influer sur tout le monde aussi bien les dirigeants libyens que les citoyens ordinaires", indiquant que "les Libyens lorsqu'ils se rencontrent face à face se comprennent et arrivent à s'entendre car rien ne les oppose, ni les différencie radicalement. Au contraire, tout les rapproche et concourt à leur entente".

 

Il a affirmé que "la pandémie de la Covid-19 sans médicament, ni soins pour le guérir et pour laquelle on ne peut pas évacuer quelqu'un à l'étranger a placé les Libyens sur un pied d'égalité face au danger. Ce n'est plus celui qui possède les privilèges et les moyens financiers, ni les armes qui peut se prémunir contre le virus qui ne fait pas la distinction entre personnes et peut infecter tout le monde riche et pauvre".

 

A noter que la proclamation d'un cessez-le-feu le 21 août dernier par le président du Conseil présidentiel, Fayez Al-Sarraj et le président du Parlement, Aguila Salah qui a tenu la route près de trois mois sans acte de violation majeur, a favorisé cette avancée au sein de la Commission militaire conjointe.

 

Les réunions du dialogue entre parlementaires à Bouznika au Maroc et représentants des partis et des personnalités libyennes à Montreux en Suisse et leurs recommandations sur l'instauration d'une période de transition de 18 mois et l'annonce de l'intention de M. Al-Sarraj de transmettre ses pouvoirs à une nouvelle autorité qui sera formée par le Commission de dialogue inter libyen, ont servi de catalyseurs d'une nouvelle dynamique.

 

Khaled Attia, professeur universitaire libyen, a souligné que "tout accord de cessez-le-feu qui sera signé à l'issue de ce round des pourparlers de la Commission militaire favorise la réussite et l'accélération de l'avancée dans le cadre du Forum inclusif organisé par la Mission de l'ONU le 9 novembre en Libye".

 

Il a estimé que "les Libyens n'ont plus de choix devant eux que de s'entendre et de dépasser leurs divergences pour préserver leur pays et le sortir de l'ornière de la violence dans laquelle il s'est débattu tout au long de ces dernières années, entraînant la dilapidation des richesses du pays, la corruption des responsables et les ingérences des pays étrangers".

 

M. Attia a rappelé que "les manifestations des jeunes dans toutes les villes de Libye qui reflètent les souffrances des citoyens libyens face aux privations, pénuries et crises dont ils sont l'objet, a réveillé une certaine prise de conscience chez les responsables de la possibilité d'une révolution qui risque de les balayer", ajoutant que "tout le monde est dans le même sac en Libye et aspire à une normalisation du pays après ces années où toutes les formes de violences et d'insécurité ont été expérimentées par les Libyens".

 

Abdallah Al-Harath, activiste de la société civile libyenne, a partagé cet optimisme à l'égard de la concrétisation de résultats positifs débouchant sur un cessez-le-feu dans la Commission militaire 5+5, affirmant, toutefois, que "c'est le Forum politique inclusif en Tunisie qui représente le principal enjeu, car c'est à lui qu'incombe la formation d'une nouvelle autorité exécutive à travers la restructuration du Conseil présidentiel et la nomination de ses membres, ainsi que la fixation de la durée de la nouvelle transition et la date des prochaines élections générales".

 

M. Al-Harath a affirmé que "la Mission des Nations Unies a réduit les problèmes en imposant aux délégués participant aux pourparlers l'engagement de renoncer à occuper un poste de responsabilité ce qui est de nature à réduire les antagonismes au sein des délégués et limiter leur projection dans les intérêts partisans", signalant que "débarrassés de toute convoitise, ils se concentreront à choisir les meilleurs à même de sortir le pays de cette phase délicate à diriger avec compétence la période de la transition".

 

Mais pour lui, "le seul hic réside dans l'attitude des pays impliqués dans les conflits", s'interrogeant sur "quelle position vont-ils adopter? Recourront-ils aux pressions pour manœuvres en coulisses et torpiller le processus de normalisation conduit par les Nations Unies ou joueront-ils le jeu en acceptant, de façade, que la stabilité et la paix reviennent en Libye et renonceront-ils aux convoitises à l'égard des ressources dont regorgent la Libye?".

 

Ahmed Milad Massoud, cadre dans une société de télécommunications en Libye, a indiqué que "le grand défi qui se présentent devant la normalisation en Libye et le règlement définitif de la crise sont les ingérences étrangères", ajoutant que "certains pays sont profondément impliqué et s'ingèrent systématiquement  dans les affaires libyennes".

 

Il a affirmé qu'ils ont investi des centaines de millions de dollars pour soutenir un camp et de ce fait, veulent un retour de cet argent consenti d'où les contingences qui pèsent sur le règlement définitif de la crise libyenne", assurant que "ce sont ces ingérences étrangères motivées par des convoitises à l'égard des richesses de la Libye qui ont retardé, jusqu'à présent toute solution dans le pays".

 

M. Massoud a souligné que "la seule chose qui peut renverser cette tendance et écarter cette menace, est que les Libyens s'affranchissent eux-mêmes de toutes ces pressions et ne considèrent que l'intérêt supérieur de leur pays et de leurs concitoyens en opérant résolument des concessions nécessaires pour parvenir à une entente garantissant la stabilité de leur pays et la réconciliation.

 

Les observateurs de la scène politique libyenne exhortent les politiciens libyens et les participants au Forum et à tous les dialogues inter-libyens à la sagesse et à l'entente pour satisfaire les espoirs nourris par les citoyens envers une solution définitive de la crise.


-0- PANA BY/IS 22oct2020