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Analyse Rétro : L'année 2019 marquée par le conflit avec le Rwanda et les sanctions américaines contre un général de l'armée en Ouganda

Kampala, Ouganda (PANA) - Yoweri Museveni, chef d'Etat de l'Ouganda depuis près de 34 ans, a passé l'année 2019 à créer les conditions de sa réélection en 2021 en sillonnant le pays pour regonfler sa base, alors qu'il fait face à un défi posé par un adversaire atypique : une pop star. 

Robert Kyagulanyi, dont le nom de scène est Bobi Wine, a fait part de son intention d'être candidat à la présidence de la République dans ce pays d'Afrique de l'Est.

Le colonel Kizza Besigye, qui était le médecin personnel du Président Museveni durant cinq ans dans le maquis, quand ce dernier dirigeait la guérilla qui l'a porté au pouvoir en janvier 1986, mais s'est présenté contre son ancien patron en 1999, était quant à lui occupé à préparer ses forces pour livrer une cinquième bataille pour la Présidence en 2021. 

La gestion de M. Museveni se révèle de plus en plus inefficace au fur et à mesure qu'il s'accroche au pouvoir, qu'il se fâche avec bon nombre de ses anciens collègues et se repose sur un cercle restreint qui se réduit comme peau de chagrin, dominé par des membres de sa famille. 

On pourrait dire que M. Museveni dort d'un seul oeil pour veiller à ce que ses opposants politiques ne lui volent pas la vedette, d'autant que, à 75 ans, il préside un pays où la jeunesse, majoritaire, est confrontée au chômage et au ralentissement de l'économie.

La situation économique n'est probablement pas le plus grand souci de M. Museveni en 2019. Des forces venues de l'extérieur ont exercé plus de pression sur sa gouvernance. L'une d'elles est représentée par le Rwanda, le voisin du sud-ouest le plus proche de l'Ouganda.

Le Rwanda est dirigé par Paul Kagame qui a combattu aux côtés de de M. Museveni dans la guerre qui l'a porté au pouvoir; il a servi dans l'armée ougandaise après leur accession au pouvoir, et plus tard a quitté son pays d'exil pour récupérer le pouvoir au Rwanda, pays qu'il avait fui avec sa famille des décennies auparavant. L'équipe de M. Kagame s'est emparé du pouvoir au Rwanda avec le soutien de M. Museveni. 

Mais les relations entre l'Ouganda et le Rwanda, deux pays dont les peuples sont étroitement liés, se sont dégradées beaucoup plus rapidement qu'on ne le pensait, sous le regard de leurs anciens frères d'armes.

Les armées des deux pays ont collaboré ensemble pour aider la force qui a renversé Mobutu Sese Seko, resté trop longtemps au pouvoir dans l'ex- Zaïre, rebaptisé République démocratique du Congo (RDC).

Les armées amies d'Ouganda et du Rwanda se sont retournées l'une contre l'autre et se combattent cruellement dans l'Est de la RDC depuis le début de ce siècle.

La guerre froide entre les deux pays s'est poursuivie au cours de ces dernières décennies; on a craint à un certain moment que les deux pays entrent en conflit.

Et cette guerre a été relancée cette année. En février, le Rwanda a fermé sa frontière aux marchandises en provenance d'Ouganda et mis en garde ses citoyens contre les déplacements inutiles en Ouganda.

Le Rwanda a accusé son voisin d'aider les rebelles qui veulent prendre le pouvoir à Kigali. Kampala a également demandé que ses ressortissants (des dizaines) arrêtés par les autorités ougandaises soient libérés ou jugés devant les tribunaux.

L'Ouganda est resté longtemps silencieux, refusant de répondre publiquement aux accusations du Rwanda. Une diplomatie de la navette s'est mise en branle, avec le déplacement du Président Uhuru Kenyatta dans les deux capitales pour ramener la paix. Mais ses tentatives ont échoué.

Toutefois, une avancée semble avoir été réalisée en août après que MM. Museveni et Kagame ont signé un mémorandum d'accord à Lunanda, en Angola, promettant de normaliser leurs relations.

L'accord a été négocié par le président angolais, Joao Lourenco. Deux autres présidents, Félix Tshisekedi de la République démocratique du Congo, et  Denis Sassou Nguesso de Congo Brazzaville, étaient présents pour l'occasion. 

Mais rien concernant cet accord n'a été appliqué, quatre mois plus tard. Les délégations des deux pays se sont rencontrées à deux reprises, d'abord à Kigali, puis à Kampala en décembre, mais ne sont pas encore parvenues à un accord. 

Au terme des discussions à Kampala, le ministre ougandais des Affaires étrangères, Sam Kutesa, a dit aux journalistes que l'Ouganda retenait les ressortissants ougandais parce que ces derniers avaient infiltré ses forces armées.

C'est la première fois, presque un an après la fermeture de la frontière que l'Ouganda fait une telle déclaration.

Et en parlant de l'infiltration des forces armées ougandaises, le nom du général Kale Kayihura, ancien patron de la police ougandaise pendant 12 ans, jusqu'en mars 2018, apparaît au premier plan.

Son pouvoir est monté en flèche durant son mandat à la tête de la police. C'est ainsi que grâce à ses contacts au Rwanda, ses forces arrêtent et déportent au Rwanda des dissidents qui avaient fui le pays parce que craignant pour leurs vies.

Le cas le plus frappant est celui du lieutenant Joël Mutabazi, que la police ougandaise a arrêté et remis aux autorités rwandaises. Il a été jugé et condamné à perpétuité au Rwanda.

Les organisations internationales de défense des droits de l'homme ont fustigé l'Ouganda pour ce qu'elles considèrent comme une violation flagrante du droit international, mais un certain nombre d'autres réfugiés rwandais en Ouganda ont subi le même sort. 

Après que le général Kayihura s'est brouillé avec M. Museveni avant d'être limogé de son poste de patron de la police, il a été accusé, en janvier 2019, par un tribunal militaire, d'enlèvement et d'extradition de demandeurs d'asile rwandais d'Ouganda sans autorisation.

Il a été accusé en même temps que d'autres officiers de police et un ressortissant rwandais, qui selon les services secrets ougandais, était déployé par Kigali.

La mise en accusation du général Kayihura et d'autres ressortissants rwandais en Ouganda fut le signe précurseur des relations tendues entre les deux pays, qui peu après a débouché sur l'incident lié à la fermeture de la frontière. La frontière reste toujours fermée aux marchandises provenant d'Ouganda, alors que 2019 tire à sa fin.

Les soldats rwandais ont tué cette année au moins quatre personnes, des Ougandais et des Rwandais, qui tentaient d'introduire frauduleusement des marchandises d'Ouganda au Rwanda.

Et comme si les déboires du général Kayihura avec le gouvernement ougandais ne suffisaient pas, ce dernier a été sanctionné en septembre par le gouvernement américain. Ces sanctions, selon les Etats-unis, découlent du rôle qu'il a joué dans des atteintes graves des droits de l'homme et dans la corruption. Il a été sanctionné au nom du Global Magnitsky Act.

Au regard de ces sanctions, "tous les biens et intérêts détenus par M. Kayihura, et toute entité qui est contrôlée, directement ou indirectement, à 50% ou plus par lui seul ou avec d'autres personnes, qui sont aux Etats-unis, détenus ou sous le contrôle de citoyens américains, sont bloqués et doivent être signalés à l'OFAC. L'OFAC est le Bureau du contrôle des avoirs étrangers du Département du Trésor des Etats-unis.

Les sanctions américaines à l'encontre du général Kayihura pour les activités menées durant son mandat à la tête de la police ougandaise ont été perçues par beaucoup comme une manière de cibler le gouvernement ougandais et le maintien au pouvoir de M. Museveni.

Et pour finir, M. Museveni a passé l'année à faire ami-ami avec la Chine et la Russie, à qui il a rendu hommage, et ne s'est même pas rendu à l'Assemblée générale des Nations unies pour la deuxième année consécutive. 

-0- PANA EM/MA/NFB/BEH/SOC 31déc2019