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"La jusitice est cruciale pour la paix en Centrafrique", selon Human Rights Watch

Bangui, Centrafrique (PANA) - L'accord de paix obtenu entre le gouvernement de la République centrafricaine et les groupes armés qui avait été paraphé le 6 février ne devrait pas dissuader les efforts entrepris pour rendre la justice aux victimes des graves violations de droits humains commis durant le conflit, a déclaré ce vendredi, Human Rights Watch.

Cet accord, qui met fin au conflit qui a coûté la vie à des milliers de personnes, a été négocié pendant une période de 18 mois de pourparlers entre les parties en conflit, sous l'égide de l'Union africaine, au moment où sur le terrain des attaques brutales à l'encontre des civils continuaient.

La violence dans les parties nord et est du pays s'est intensifiée au cours des derniers mois, y compris de nombreuses attaques perpétrées dans les camps des personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Environ 1,2 million de personnes sont déplacées en Centrafrique en raison des intenses combats en cours dans le pays, a déclaré la sentinelle des droits humains, Human Rights Watch, dans un communiqué.

"Avec les innombrables crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis durant le conflit, et avec un nombre de plus d'un million de personnes déplacées, beaucoup de Centrafricains restent sceptiques par rapport à la fin du conflit", a indiqué Lewis Mudge, directeur de Human Rights Watch pour l'Afrique centrale.

"Mais des efforts pour traduire devant la justice les auteurs responsables des pires exactions doivent faire partie intégrante de l'accord pour la résolution du conflit, avec toute exclusion d'une éventuelle amnistie pour les coupables", a-t-il ajouté.

On rappelle que l'accord de paix obtenu entre les parties en conflit en Centrafrique a été signé par 14 groupes armés. Certains membres de ces groupes armés sont soupçonnés de plusieurs abus à l'endroit des civils, notamment des meurtres, des viols, d'esclavage sexuel, de tortures, de pillages, de persécutions, et de destructions d'édifices religieux. Les personnes coupables de tels actes peuvent être poursuivies pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, selon Human Rights Watch.

Selon le communiqué de Human Rights Watch, l'accord de paix obtenu par les groupes armés en Centrafrique sous l'égide de l'UA, reste vague sur la question relative aux mesures à prendre pour que justice soit rendue aux victimes, et ne mentionne non plus de processus judiciaires spécifiques, ou les efforts récemment entrepris dans le pays pour promouvoir la justice, bien qu'il reconnaisse le rôle que l'impunité a joué dans l'accroissement de la violence.

Selon le communiqué de l'organisation des droits humains, parmi les efforts récemment entrepris en Centrafrique, figure la mise sur pied d'une nouvelle Cour mandatée pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. La Cour a commencé ses activités vers la fin de l'année 2018 avec le soutien et la participation de la Communauté internationale.

En plus de cela, à la demande du gouvernement de transition de l'époque,  en mai 2014, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) avait ouvert des enquêtes par rapport aux crimes commis depuis le mois d'août 2012. La Cour avait ainsi procédé à l'arrestation vers la fin de l'année 2018 de deux leaders appartenant à la milice Anti-Balaka qui avaient activement pris part au conflit, en l'occurrence, MM. Alfred Yékatom et Patrice Edouard Ngaissona.

HRW a ainsi exhorté le gouvernement centrafricain et ses partenaires internationaux à continuer de soutenir le système judiciaire centrafricain, la Cour criminelle spéciale, les enquêtes de la CPI et ses poursuites judiciaires sur les crimes graves commis dans le pays.

Selon toujours l'organisation internationale des droits humains, les victimes du conflit centrafricain, les activistes et les acteurs de la justice continuent de réaffirmer une exigence urgente et sans équivoque pour une justice pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis depuis le déclenchement, en 2012, du conflit.

Cette exigence pour une justice a été exprimée lors de la célébration de la journée internationale des droits humains le 10 décembre 2018 lorsque des survivantes de violences sexuelles avaient pris la parole au parlement pour exiger que justice fût rendue pour ce qu'elles avaient enduré.

"La  lenteur de la justice constitue un autre crime pour les victimes de violences sexuelles du conflit centrafricain", a déclaré Bernadette Sayo, une activiste des droits humains.

Human Rights Watch a aussi indiqué que le point d'achoppement lors des pourparlers de paix à Khartoum était la question liée à l'Amnistie que voulaient presque tous les groupes armés.

"La Cour criminelle spéciale constitue une mesure sans précédent pour rendre la justice et a besoin de soutien maintenant plus que jamais", a déclaré M. Mudge, avant d'ajouter : "La Cour reste l'une des plus grandes opportunités pour rendre la justice aux victimes et pour mettre un terme aux cycles de violence qui ont dévasté la Centrafrique pendant des décennies".

On rappelle que la crise centrafricaine avait débuté en 2012, lorsque le groupe rebelle en majorité musulmane, les Séléka, renversèrent le Président François Bozizé et s'emparèrent du pouvoir en faisant régner dans le pays une campagne de terreur et de violence. En réponse, les milices Anti-balaka, en majorité chrétienne, s'organisèrent et lancèrent des représailles en direction des musulmans. En 2014, l'Union africaine et les forces françaises chassèrent les Séléka hors de la capitale, Bangui.

Après deux ans de gouvernement intérimaire, des élections relativement pacifiques ont été organisées à l'issue desquelles M. Faustin-Archange Touadéra avait été investi comme président en mars 2016.

La violence et les attaques contre les civils ont cependant continué sous Touadéra, avec des factions affiliées aux principaux groupes armés qui continuent de contrôler une grande partie du pays, notamment dans les régions situées à l'Est et au Centre du pays.

-0-PANA MA/BAD/BEH 22fév2019