Agence Panafricaine d'information

Une ONG appelle à préserver les ânes pour un développement durable en Afrique

 Kigali, Rwanda (PANA) - L'ONG "Brooke-Afrique de l'Ouest" a invité les dirigeants africains à préserver les ânes dont la disparition retarde l'atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) dans une interview avec la PANA en marge du huitième forum régional africain sur le développement durable (FRADD-8).

 

Lors de forum qui porte sur le thème : « "Construire un avenir meilleur : Une Afrique verte, inclusive et résiliente prête à réaliser l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063". », Mme Rouguiatou Ka de l'ONG « Brooke-Afrique de l'Ouest» a alerté contre la disparition programmée de l'espèce, objet d'un abattage industriel par des sociétés étrangères qui en exportent la peau pour la fabrication de produits cosmétiques.

 

" …Depuis les années 2015, on assiste à l’abattage et au commerce illégal des ânes en Afrique de l’Ouest et dans d’autres régions du continent. Ce commerce qui est soit autorisé par certains pays à travers l’octroi de licence pour l’ouverture d’abattoirs spéciaux pour les ânes ou d’un commerce illégal qui est pratiqué par des acteurs qui s’enrichissent sur le dos des communautés porte atteinte au développement durable en Afrique", a déclaré Mme Rouguiatou Ka.

 

"Souvent d'une capacité de 250 ânes par jour, ces abattoirs sont installés par de grandes sociétés étrangères notamment des Chinois, a expliqué Mme Ka, indiquant que si un pays a quatre abattoirs par exemple, il perd 1000 têtes d'ânes par jour".

 

Cette filière est née de l'utilisation de la gélatine qui se trouve dans la peau de l’âne dans la fabrication de produits cosmétiques qui font le chou gras de l'industrie chinoise.

 

Pendant ce temps, l’agriculteur africain qui a un seul âne dans sa famille, dans sa cour perd son moyen de production pour toute l’année. Ce commerce qui s'étend de plus en plus sur tout le continent est un risque pour l'atteinte des ODD, a alerté Mme Ka.

 

Certains pays sont pourvoyeurs, les pays côtiers en général sont exportateurs, d'autres servent d'abattoirs ou de pays de transit. Les licences sont octroyées soit par les Etats ou les directions qui sont rattachées au service de l’élevage qui, en complicité avec des acteurs dans les communautés, alimentent cette filière qui les enrichit et réduit les populations à la misère, a-t-elle déploré.

 

Poursuivant son réquisitoire, Mme Ka souligne qu'un âne qui coûtait autrefois entre 15000 et 20000 FCFA est vendu aujourd'hui entre 125.000 ou 150.000 FCFA, avec en plus, la recrudescence des cas de vol de l’espèce, créant aussi l'insécurité dans les communautés.

 

Des ânes disparaissent du jour au lendemain ou des propriétaires découvrent un matin la carcasse de leur âne abattu et dépossédé de sa peau. Même si l’âne est consommé dans certains endroits, il l’est à petite proportion, mais si on en perd 1000 par jour, la menace s'étend sur plusieurs domaines de la vie des communautés, alerte Mme Ka, indiquant que l'Afrique est très dépendante de l'agriculture et l'âne est un acteur clé de ce domaine.

 

« La disparition des ânes menace même nos Etats parce que nous sommes très dépendants de l’énergie animale. Et l'âne est présent dans tous les secteurs de la production, dans toute la chaîne des valeurs, du labour au transport des récoltes, dans les ménages et aux marchés. Donc, c’est pourquoi, nous on se bat pour que cette espèce- là ne disparaisse pas", souligne-t-elle.

 

Pour Mme Ka, « L’âne joue un rôle particulier dans l’autonomisation de la femme parce que l’âne aide la femme à alléger ses travaux, il l’aide dans les travaux champêtres, lors de ses déplacements pour aller vendre ses produits, dans les marchés hebdomadaires. C’est l’âne qui permet de déplacer les membres de la famille. Quand il y a un malade, c’est l’âne qui amène le malade au niveau du centre de santé. C’est l’âne qui transporte, l’eau. C’est l’âne qui s’occupe de toutes les courses. Si ce n’est pas fait par l’âne, c’est la femme qui prend la place et qui fait ce travail. C’est elle qui puise l’eau. C’est elle qui met l’eau sur sa tête. C’est elle qui transporte l’eau à la maison à la place de l’âne. C’est pourquoi une femme disait : « Quand on tue ton âne. Tu deviens l’âne de la famille ».

 

Presque toute l'Afrique est concernée par ce fléau. Bien qu’interdit par certains Etats, le trafic a la peau dure, puisque les trafiquants contournent la législation.

 

Le Nigeria est concerné de même que le Ghana qui a une population très réduite d’âne. Les ânes abattus au Ghana qui abrite des abattoirs, viennent du Burkina Fao où la législation est ferme. Il y a même au Ghana des abattoirs à l’air libre sans aucun égard pour l’environnement, a-t-elle déploré.

 

Tous les pays sont menacés, le Ghana, le Mali où ils ont commencé à demander des licences, le Niger, le Burkina-Faso (malgré l’interdiction). Le Kenya qui avait une population de 1 800 000 têtes se retrouve actuellement avec 900 000. Quatre abattoirs d’une capacité d’abattage de 250 ânes par jour y ont été installés. Si rien n'est fait en 2023, ce pays n'aura plus d'âne, a alerté Mme Ka qui invite les dirigeants de tous les pays et les institutions régionales à se saisir du dossier et prendre des mesures conservatoires pour sauver l’espèce.

 

Le 8ème Forum régional africain sur le développement durable a été organisé par la CEA et ses partenaires du 3 au 5 mars dernier à Kigali sur le thème "Construire un avenir meilleur : Une Afrique verte, inclusive et résiliente prête à réaliser l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063".

 

Le FRADD est, rappelle-t-on, un des trois mécanismes mandatés par l’Assemblée générale des Nations unies pour suivre, examiner et catalyser les actions visant à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 pour le développement durable adopté par les États membres des Nations unies en septembre 2015.

 

Le forum de trois jours visait à faciliter l’apprentissage, y compris le partage des approches, des expériences et des leçons tirées des Examens nationaux volontaires (ENV) et les Examens locaux volontaires (ELV) et des efforts de mise en œuvre.

-0- PANA IT/IS 14mars2022