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Nouvelle reconfiguration du paysage politique en Libye après le coup de force de Fathi Bachagha à Tripoli

Tripoli, Libye (PANA) - Le paysage politique en Libye a entamé une nouvelle reconfiguration après le coup de force perpétré, mardi, par le Premier ministre désigné par le Parlement, Fathi Bachagha, ayant conduit à son départ de Tripoli quelques heures après y être entré, suite à des affrontements armés, dont les impacts ne finissent pas encore de se faire sentir, apportant de nouvelles donnes de nature à influer sur la scène politique et peser dans la recherche d'une solution pour sortir de la crise politique de l'exécutif.

 

En effet, plus rien ne sera comme avant après cette incursion déclenchant de violents affrontements armés après plus deux ans d'accalmie dans la capitale Tripoli et les autres villes libyennes, suscitant un rejet unanime des Libyens à l'égard des violences et risques encourus à la suite de ce que certains ont qualifié d'"aventure" ainsi que la manière dont elle a été conduite mettant en péril la vie, la quiétude des civils et de leurs biens. 

 

Cette virée nocturne à Tripoli, du Premier ministre désigné par le Parlement, Fathi Bachagha, a porté un grand préjudice à l'avenir politique et à la réputation de cet influent homme politique originaire de la ville de Misrata (2020 km Est de Tripoli) dont le poids est incontestable sur l'échiquier politique libyen aussi bien pour son rôle lors de la résistance durant la révolution du 17 février 2011 contre l'ancien régime que lors de l'attaque du 4 avril 2019 des forces de Haftar contre la capitale libyenne et la régime de l'Ouest.

 

Son passage à la tête du ministère de l'Intérieur au sein du gouvernement de l'Accord national, sortant, a parachevé la réputation de M. Bachagha lui donnant une stature qui lui a permis de se présenter comme candidat à l'élection présidentielle du 24 décembre qui a été reportée, comme l'un des challengers à la course pour le poste de la haute magistrature dans le pays .

 

Comme l'a indiqué le Premier ministre libyen du gouvernement d'unité nationale, Abdelhamid Al-Dbaiba, commentant, mardi soir, la tentative d'installation de son rival à Tripoli, la qualifiant de "suicide politique" qui a grillé son avenir et signé son acte funèbre, de nombreux Libyens ont partagé cette appréciation.

 

Ils ont estimé que M. Bachagha s'est décrédibilisé aux yeux des Libyens en se précipitant démontrant que son seul souci était d'arriver au fauteuil du pouvoir et de diriger le pays par quelques moyens que ce soi tet non pas de les servir et de régler leurs problèmes et ceux de la Libye.

 

Pour Salah Al-Dharrat, analyste politique libyen,  "Bachagha a fait montre d'une précipitation à travers son arrivée prématurée à Tripoli alors qu'il n'avait pas toutes les garanties nécessaire pour une passation pacifique du pouvoir", estimant que "c'est une erreur politique qui lui coûtera cher vu que de nombreux Libyens qui voyaient en lui une alternative pouvant mener le pays à bon port, ont révisé leur appréciation à son égard et considéré qu'il est motivé essentiellement par sa volonté d'arriver au pouvoir". 

 

Selon lui, "une frange importante des Libyens ont, après les événements de Tripoli, épousé la principale critique adressée à Fathi Bachagha d'être prêt à s'allier avec n'importe qui y compris ses pires ennemis s'ils peuvent l'aider à parvenir à son objectif de s'installer dans le fauteuil du pouvoir".

 

M. Al-Dharrat a estimé également que "Bachagha a failli à son engagement de ne pas recourir à la force alors qu'il a tenté à trois reprises l'usage des armes pour arriver à son dessein même s'il tente de contester avoir recouru à la force lors de son entrée dernièrement à Tripoli".

 

Il est rejoint par l'activiste et militant libyen  de la société civile, Mehdi Al-Fteissi, affirmant que "ce revirement de Bachagha en faillant à la parole donnée de ne pas permettre qu'on verse une goûte de sang des Libyens mais de faire usage des voies pacifiques et de la loi pour parvenir à s'installer à Tripoli, dénote d'un manque de responsabilité et qu'il n'est pas digne d'occuper ce poste pour diriger à la destinée des Libyens".

 

M. Fteissi a affirmé qu'"à la lumière de ces développements, il est nécessaire pour Bachagha de prendre du recul après cette erreur qui lui a valu un échec politique et porté atteinte à sa réputation et à son avenir politique".

 

L'activiste de la société civile a souligné  qu'"en annonçant s'installer à Syrte pour éviter l'effusion de sang, Bachagha transforme son gouvernement à un cabinet parallèle à l'instar de ceux qui l'ont précédés notamment celui du gouvernement intérimaire du Premier ministre Abdallah Al-Theni qui a été nommé par la Chambre des représentants (Parlement) et installé à Beidha", assurant qu'"il s'agit d'une posture inconfortable car sans aucun pouvoir réel ni reconnaissance extérieure ou intérieure pour ses décisions qui auront un effet et une portée très limités".

 

Autre effet du revers subi par Bachagha lors de son entrée à Tripoli, ses alliés dans l'Est du pays, en particulier, le chef de l'armée nationale libyenne, le maréchal Khalifa Haftar et le président du Parlement libyen, Aguila Saleh auquel il avait promis de s'installer à Tripoli pour y opérer le travail de son gouvernement, arguant de sa capacité et les soutiens qu'il dispose parmi les formations armées, se rendront compte que c'est désormais un objectif impossible à franchir dans le court et moyen terme.

 

En outre, le Premier ministre désigné par le Parlement pourra faire face à des problèmes financiers pour les dépenses de fonctionnement de son gouvernement en raison de la présence des principales institutions financières dans la capitale libyenne sous la tutelle du gouvernement rival d'unité nationale, estiment les observateurs de la scène politique libyenne.

 

Seule bouée de sauvetage, selon ces mêmes observateurs, pour permettre la survie du gouvernement Bachagha, c'est l'adoption d'un mécanisme de distribution des revenus pétroliers ce qui n'est pas encore à l'ordre du jour en raison de la persistance des désaccords sur la question même si les partisans du gouvernement désigné par le Parlement poursuivent le blocus des sites de production et d'exportation du brut pour faire pression en faveur de la mise en place de ce procédé de la redistribution de la manne pétrolière entre les régions libyennes.

 

Si Bachagha a été affecté par son entrée à Tripoli, au contraire Al-Dbaiba en sort ragaillardi de cette incursion de son rival, car il apparaîtra comme plus posé et disposant d'une grande maîtrise de la situation ce qui le projette garant de la stabilité du pays et un rempart contre le chaos et l'insécurité pouvant assurer la sécurité du pays et des Libyens et capable à résoudre les problèmes et trouver des solutions pour l'accès des citoyens aux services et parachever le processus électoral.

 

Aux yeux de nombreux Libyens, M. Al-Dbaiba apparaîtra comme l'homme providentiel qui œuvre pour l'intérêt du pays mais qui est empêché par les obstacles qui sont dressés sur son chemin et contre lui par le Parlement et le Haut Conseil d'Etat qui veulent se prolonger en nommant un nouveau gouvernement alors que le problème est de lever les lacunes qui sont apparues bloquant l'organisation des élections du 24 décembre dernier.

 

Ainsi son projet d'organiser des élections auquel s'est attaché Al-Dbaiba à travers son initiative "Rendre la confiance au peuple" devient plus crédible et plus sincère et lui vaudra un plus grand soutien même de ceux qui étaient réticents ou qui étaient sceptiques à son égard car ce projet rejoint les aspirations des Libyens qui veulent aller aux urnes pour choisir leurs responsables et qui fait l'unanimité comme unique issue pour régler la crise en Libye.

 

Le Premier ministre du gouvernement d'unité nationale, Abdelhamid Al-Dbaiba, a réaffirmé que le pays allait organiser "des élections de quelque manière que ce soit", ajoutant : "Oui, aux élections, qui seront pour très bientôt".

 

Mardi, il a annoncé, dans un discours après les tensions dans la capitale, Tripoli, que "le gouvernement continuera jusqu'à la mise en œuvre des élections. Bien que le gouvernement ait annoncé qu'il était prêt à mettre en œuvre ces élections au milieu de cette année, nous suivons leur retard et leurs efforts d'obstruction afin qu'ils n'atteignent pas une base pour les élections".

 

L'initiative de M. Al-Dbaiba porte sur l'organisation des élections et un référendum sur le projet de la Constitution en juin prochain.

 

Ces accusations sont portées par le Premier ministre à l'encontre de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d'Etat qui planchent actuellement, sous les auspices des Nations unies au Caire en Egypte, à travers les consultations de la commission mixte sur la définition d'une base constitutionnelle pour servir à la tenue des élections générales.

 

Réagissant aux événements de Tripoli à la suite de l'entrée de Bachagha, le président du Haut Conseil d'État, Khaled Al-Mechri, a affirmé, mardi soir, qu'il conseille à Bachagha de présenter sa démission et à Al-Dbaiba d'accepter le changement.

 

M. Al-Mechri a proposé, dans un entretien à la chaîne de télévision privée libyenne Libya "Al Ahrar" : "Nous devons nous mettre d'accord sur une base constitutionnelle et un gouvernement restreint dont l'objectif est de tenir uniquement des élections".

 

Il a ajouté que "les gouvernements Bachagha et Al-Dbaiba ne veulent pas aller aux élections même après 5 ans".

 

En dépit des échos sur les progrès réalisés par la commission mixte des deux Chambres au Caire dont la fin des travaux est prévu demain, vendredi, les pronostics tablent sur un échec à parvenir à une base constitutionnelle.

 

Les supputations des analystes vont bon train sur les alternatives pour pallier à cet échec sur l'atteinte d'une règle constitutionnelle de nature à attiser les tensions et à approfondir la crise alors que le temps presse pour la relance du processus électoral avec un calendrier clair et précis pour permettre aux Libyens d'aller aux urnes le plus rapidement possible.

 

A cet égard, l'option de l'entrée en action du Conseil présidentiel libyen revient avec force, sur la possibilité qu'il prenne les devants des choses et agit par décret pour dépasser cette impasse et aller vers les élections le plus rapidement possible, est revenue avec force au devant de la scène.

 

Parmi les hypothèses qui sont évoquées, la formation par le Conseil présidentiel d'un panel de juristes et experts pour mettre en place une base constitutionnelle devant servir à la tenue des élections générales.

 

En tout cas, l'organisation des élections est devenue une question qui s'est posée de manière lancinante que les derniers événements ont renforcé comme une option essentielle pour sortir le pays de l'ornière de la violence et l'engager vers la stabilité à travers des institutions pérennes dotées de la légitimité populaire des urnes pour jeter les bases d'un Etat démocratique et des institutions fondée sur l'alternance pacifique au pouvoir de manière à permettre aux Libyens de profiter des énormes ressources dont regorge leur pays.

-0- PANA BY/IS 19mai2022