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La quête du mouton de l'Aïd Al-Adha en Libye éclipse l'impasse dans le processus politique

Tripoli, Libye (PANA) - A l'approche de la fête de l'Aïd Al-Adha, fête du sacrifice du mouton chez les musulmans, prévue mardi 20 juillet courant, l'acquisition du mouton, bête de sacrifice recommandée en premier par l'Islam, est devenue le principal sujet de conversation entre les Libyens, rejetant au second ordre, les préoccupations à l'égard du processus politique qui devrait résoudre la crise dans le pays, mais en proie à une impasse et dévoilant certains autres aspects liées aux conditions de vie des citoyens, aux difficultés dans leur vécu quotidien.

 

Les prix des moutons de l'Aïd qui est célébré en perpétuation de la tradition du Père Abraham, divergent d'une année à l'autre d'un marché à l'autre et d'une ville à l'autre mais connaissent une hausse remarquable à l'approche de la fête en Libye où l'ambiance reflète l'engouement des citoyens à l'égard de l'achat du mouton.

 

Plus l'Aïd Al-Adha approche, plus la ferveur festive monte et plus les craintes des citoyens à l'égard de la hausse des prix du mouton se fait sentir.

 

C'est toujours la même rengaine qui revient chaque année comme un leitmotiv, marquée les appréhensions des citoyens ordinaires qui se plaignent de la hausse vertigineuse des prix et les éleveurs et vendeurs de moutons qui justifie leurs tarifs par la hausse des coûts en particulier, celui du fourrage et le transport du bétail qui se répercutent sur le prix corroborant ainsi, la tarification proposée.

 

Ils évoquent aussi la longue période que nécessite l'élevage du mouton pour être égorgé durant l'Aïd Al-Adha.

 

Dans les Souks de bétail qui se sont multipliés encore cette année dans certaines places et endroits de la capitale Tripoli et des autres villes libyennes, les visiteurs rencontrés, sont assez expressifs des difficultés que rencontrent les Libyens en raison de la hausse des prix.

 

Issa Omar, un éleveur de mouton a indiqué que "les prix du fourrage sont très chers allant jusqu'à 350 dinars le quintal", assurant que "cette situation entraîne un coût élevé pour lequel ils sont contraints de tenir compte dans le prix de vente pour éviter des pertes".

 

"Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas vendre aux citoyens", s'est empressé d'ajouter l'éleveur de mouton, soulignant qu'"on ne peut pas vendre à perte et le citoyen doit en être conscient de cette réalité et accepter de consentir des sacrifices pour avoir un mouton de qualité".

 

Il a ajouté que "l'éleveur prend en charge d'engraisser les moutons  ce qui prend une période s'étalant sur plus de mois", soulignant que "cette situation fait que le mouton est plus cher que l'année précédente".

 

En outre la conjoncture générale que traverse le pays ces dernières années a eu des répercussions directes sur la capacité du citoyen libyen à acheter un mouton pour l'Aïd malgré l'installation du gouvernement d'unité nationale sur lequel de grands espoirs ont été nourris par les Libyens pour alléger les souffrances vécues durant cette décennie.

 

Force pour les Libyens de déchanter, quatre mois après l'entrée en fonction de cette nouvelle Autorité exécutive unifiée, le Conseil présidentiel et le gouvernement d'unité nationale, avec la persistance des difficultés liées à la baisse du pouvoir d'achat et au manque d'accès aux services de base, notamment l'électricité dont la reprise des délestages intempestifs en cette période de la saison estivale de grande canicule, pénalisent les citoyens.

 

Cette situation n'incombe pas uniquement au gouvernement privé d'un budget pour mettre en œuvre son programme à cause du refus du Parlement d'adopter le projet de loi de finances avançant à chaque fois des raisons qui traduisent en réalité des considérations d'ordre politique.

 

Ainsi, ces blocages mettent à rude épreuve la finalisation de la feuille de route élaborée par le Forum du dialogue politique libyen, ainsi que le consensus pour organiser les élections le 24 décembre vu la persistance des désaccords sur la base constitutionnelle.

 

A cela, il faut ajouter le retard accusé dans la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu, notamment l'ouverture de la route côtière reliant Syrte à Misrata (Centre) et le départ des mercenaires, combattants et forces étrangères du pays.

 

Des questions qui seront au menu de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies prévue, ce jeudi, avec la participation des ministres des Affaires étrangères pour se mobiliser afin de finaliser en particulier l'organisation des élections et l'application du cessez-le-feu.

 

Pourtant, les Libyens envisageaient l'avenir avec optimiste d'autant plus que le processus politique a avancé et le climat de consensus a prédominé, laissant présager une finalisation en douceur de la feuille de route avant que les blocages ne reprennent à niveau reflétant les ingérences extérieures qui alimentent la crise dans ce pays d'Afrique du Nord.

 

Ainsi, la persistance de la crise de liquidité, la hausse des prix des denrées alimentaires et la détérioration du pouvoir d'achat en raison de l'augmentation de l'inflation découlant de la dépréciation du dinar qui est passé de 1,4 dinar pour 1 dollar à 4,48 dinars pour 1 dollar, ont eu des effets négatifs sur le citoyen.

 

Pour contourner le manque de liquidité qui se poursuit encore dans les banques commerciales libyennes bien qu'avec moins d'acuité, les citoyens ont recours, à des procédés temporaires comme les chèques certifiés et les cartes de visa électroniques acceptés par les vendeurs pour pouvoir acquérir le mouton de l'Aïd.

 

Cette année contrairement aux années précédentes, il n'y a pas eu d'importation de moutons de l'étranger d'une manière massive, un procédé auquel ont eu recours les autorités libyennes par le passé pour réguler les prix du marché et permettre aux citoyens à faible revenus d'acquérir des moutons à des prix relativement bas.

 

Hichem Abdessalam, un fonctionnaire dans une administration publique libyenne à Tripoli, père de quatre enfants, venu acheter un mouton de l'Aïd, a affirmé que "les prix de cette année sont plus élevé que ceux de l'année dernière", dénonçant le fait que "les vendeurs ne tiennent pas compte du pouvoir d'achat des citoyens qui sont confrontés à d'énormes difficultés pour joindre les deux bouts en cette phase difficile que traverse le pays".

 

Il a déploré qu'"un mouton moyen soit proposé à 1.500 dinars (environs 341 dollars américains) alors que le salaire de l'écrasante majorité des Libyens ne dépasse par les 800 dinars, soit moins de la moitié de cette somme fixée pour le prix du mouton", se demandant "comment vont faire les citoyens aux revenus limités pour acquérir un mouton et célébrer la fête à l'instar de leurs voisins".

 

Selon lui, "certains n'ont même pas de quoi acheter quelques kilos de viande à forte raison se payer un mouton en entier dans le contexte de cette flambée des prix".

 

Pour Jelal Al-Mansouri, un retraité d'une compagnie pétrolière a affirmé que "les prix sont très élevés par rapport à l'année dernière", assurant que "c'est devenu une tradition que chaque année des hausses des prix du mouton sont opérées de manière systématique alors que les salaires et les revenus n'augmentent pas à ce rythme".

 

Il a indiqué "avoir remarqué que des moutons qui étaient proposés l'année dernière à 1.300 dinars se retrouvent aujourd'hui à 1700 et 1800 dinars, ce qui représente une différence de 400 à 500 dinars par tête. Une hausse inacceptable que rien ne justifie pas même les coûts des fourrages".

 

M. Al-Mansour a souligné que "lorsque on se plaint auprès des vendeurs de la hausse des prix, ils se révoltent, affirmant que le coût des fourrages est très élevé, ainsi que celui du transport et de l'entretien du bétail".

 

Il est rejoint par Zied Laabidi, propriétaire d'une boutique de vente de téléphone GSM qui reconnaît que "chaque année, il constate une hausse des prix entre 150 et 200 dinars par rapport à l'année précédente", affirmant, toutefois, "ne pas accepter les justifications avancées par les éleveurs et les vendeurs même si la hausse des fourrages est réelle, cela demeure exagéré".

 

M. Laabdi a affirmé que "le gouvernement aurait dû importer des moutons de l'étranger pour entraîner une baisse des prix du mouton local qui reste très élevé et permet aux familles démunies d'acheter le mouton pour célébrer l'Aïd Al-Adha".

 

Malgré les prix élevés du mouton cette année, la joie des Libyens pour célébrer l'Aïd Al-Adha, n'a aucunement été alternée, en raison de la symbolique de cette manifestation religieuse à laquelle s'est greffée les traditions libyennes en particulier le rôle des enfants dans l'acquisition de la bête de sacrifice.

 

Certes, il ne s'agit pas d'une obligation religieuse mais sacrifier un mouton, à l'occasion de l'Aïd Al-Adha, s'est tellement ancré dans les traditions de la société libyenne qu'il est devenu un devoir pour tout le monde de s'en acquitter.

 

Même la pandémie du coronavirus avec les craintes suscitées par l'apparition du variant indien "Delta" dans la Tunisie voisine, ni la hausse des infections, n'ont dissuadé les Libyens de célébrer l'Aïd Al-Adha, avec toutefois, les mises en garde du ministère de la Santé pour respecter les gestes barrières et d'hygiène.

 

Le gouvernement d'unité nationale a annoncé quatre jours fériés lundi, mardi, mercredi et jeudi à l'occasion de l'Aïd Al-Adha pour toutes les institutions et organes publics.

 

Le décret gouvernementale appelle à la prise en compte de facilités avec les services à caractère humanitaire et de sécurité, tout en préservant le droit de ses travailleurs à recevoir une compensation pour le travail pendant les congés.


Fête religieuse par excellence , l'Aïd Al-Adha est aussi une opportunité de solidarité et d'acte de bienfaisance à l'égard des franges les plus démunies.

 

L'Office des Waqfs et de la Zakat (Biens religieux et aumône) des services étatiques procèdent chaque année à des distributions de moutons et d'aides financières à des familles nécessiteuses.

 

Les associations privées de charité et les organisations de société civile libyennes s'activent durant cette période et font des collectes de dons pour acheter des moutons et les distribuer à des familles dans le besoin.
-0- PANA BY/IS 15juil2021