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Des manifestations en Tunisie suite au flou sur la scène politique tunisienne

Tunis, Tunisie (PANA) - Le flou règne toujours sur la scène politique tunisienne à la suite de l'insistance du Président Kais Saied à mettre en pratique ses mesures exceptionnelles prises le 25 juillet et visant à changer totalement la structure de l'Etat tunisien et mettant, notamment, de côté la Constitution de 2014.

Ces mesures ont été prises par le chef de l'Etat tunisien à la suite de la crise politique, économique et sociale qui sévit dans le pays depuis plusieurs mois, rappelle-t-on.

Deux mois après les mesures du 25 juillet permettant au Président Kaïs Saïed de proclamer l'état d'exception et s'octroyer les pleins pouvoirs en limogeant le gouvernement, en gelant les activités du Parlement, à mettre aux arrêts de grands responsables de l'Etat et en tentant d'instituer une nouvelle vision politique, des critiques contre sa gouvernance montent chaque jour un peu plus.

Ainsi, des voix s'élèvent dans les milieux de la société civile, des syndicats et des partis politiques pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme un glissement vers une dictature et pour préserver les acquis démocratiques dans ce pays d'où était parti 'le Printemps arabe".

C'est dans ce contexte que des milliers de personnes, généralement des militants de partis politiques et des syndicats dont le Mouvement Ennahdha et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), la plus grande centrale syndicale du pays, se sont réunies dans la capitale tunisienne pour réclamer un retour à la légitimité du pouvoir dans le pays et rejeter "le retour de la dictature".

Se basant sur l'article 80 de la Constitution, M. Saied avait pris, le 25 juillet dernier, des mesures exceptionnelles gelant les activités du Parlement, limogeant le Premier ministre et plusieurs autres ministres et levant l'immunité parlementaires des députés, ce qui a permis de procéder à l'arrestation et au jugement de certains parmi eux, rappelle-t-on.

Environ, 2.000 personnes ont pris part aux manifestations de dimanche, selon des chiffres fournis par la presse, en présence renforcée de la sécurité, alors que des sit-in en faveur des mesures du président ont eu lieu le même jour pour demander la dissolution définitive du Parlement.

Plusieurs slogans, dont "le peuple veut la fin du coup d'Etat contre la dictature", ont été lancés par la manifestaion de dimanche qui s'est déroulée sur l'étendue de l'avenue Bourguiba, la principale artère de la capitale qui fut le point de ralliement du soulèvement contre l'ancien régime de Zein Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011.

Pour les opposants aux mesures du Président Kais Saied, dont certains se sont exprimés à la télévision "Al-Hurra", celles-ci menacent, d'une manière inquiétante, les acquis démocratiques obtenus par les Tunisiens lors de la révolution de 2011 qui avait entraîné des manifestations violentes dans le cadre du "Printemps arabe" et bloqué les efforts déployés pour régler les menaces urgentes contre la finance publique, suscitant la peur des investisseurs.

Pour sa part, le président tunisien a estimé que les mesures qu'il a prises, qualifiées par ses opposants de "coup d'Etat", sont nécessaires pour régler la paralysie politique et relancer l'économie en berne et renforcer la lutte timide contre la pandémie du Coronavirus, affirmant qu'il "veut défendre les droits du peuple et ne cherche pas à devenir un dictateur".

Des manifestants interrogés par la chaîne "Al-Hurra" ont affirmé qu'ils exprimaient leur colère contre ce qu'ils considèrent comme "un coup d'Etat" et ont exprimé leur détermination à défendre la démocratie, en faisant de la Constitution une ligne rouge.

Mais, des observateurs estiment que le président Saied bénéficie d'un large soutien des Tunisiens, qui affirment être désespérés de la corruption, du manque de services publics, alors que le président, lui, a les mains propres.

De son côté, l'UGTT, la principale centrale syndicale du pays, s'est opposée aux dernières mesures prises par le président Kais Saied, affirmant qu'elles "constituent une menace contre la démocratie".

Les premières manifestations contre le président Saied sont sorties la semaine dernière lorsque des députés ont affirmé qu'il "n'est pas possible de tenir un dialogue avec lui, car il ne veut pas de dialogue".

Pour sa part, le Mouvement Ennahdha, le parti majoritaire au Parlement, a qualifié les mesures du président Saied de "coup d'Etat flagrant contre la légalité démocratique".

Le président du Mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, avait appelé, dans des déclarations faites à la presse, "à un combat pacifique contre les mesures exceptionnelles prises par le chef de l'état", affirmant que son mouvement est civil.

Mercredi dernier, quatre partis politiques ont dénoncé, dans un communiqué conjoint, le président  à l'instar du parti Qalb Tunes, l'un des principaux partis du pays.

Des dizaines de personnes ont organisé samedi des manifestations dans les régions Sud du pays pour dénoncer "le coup d'Etat contre la Constitution". C'est le cas du rassemblement de dizaines de personnes sur la place de la résistance à Sfax, la deuxième ville du pays, pour demander le retour à la Constitution et la restauration des activités des autres institutions démocratiques.

Le correspondant de la PANA a constaté que les forces de l'ordre ont dispersé des manifestants et empêché leurs affrontements avec les pro-Saied qui voulaient en découdre en brandissant des slogans hostiles à leurs revendications.

Des Organisations de défense des droits de l'homme nationales et internationales ont dénoncé samedi les mesures du président Kais Saied qui s'est octroyé des prérogatives plus importantes au détriment du gouvernement et du parlement.

Elles ont qualifié ces mesures de "confiscation du pouvoir et de déviation sans précédent".

Le président Kais Saied a pris mercredi dernier de nouvelles mesures "exceptionnelles" qui instaurent que désormais le gouvernement est responsable devant lui, tout en s'arrogeant le pouvoir de légiférer à la place du Parlement, démarche que des experts de la scène politique tunisienne estiment comme un début de changer le régime politique du pays au détriment du régime parlementaire prévu par la Constitution.

Selon ces nouvelles mesures, le président détient seul le pouvoir de nommer et de révoquer le Premier ministre et de présider le conseil des ministres.

Les Organisations de défense des droits de l'homme dont Amnesty international, Human Rigth Watch, l'organisation internationale contre la torture et l'Association tunisienne pour la défense des droits individuels, ont estimé que le président Saied "a renversé la règle générale qui met la Constitution au dessus de tout en s'octroyant des prérogatives présidentielles au dessus de la Constitution".

Elles ont également dénoncé ce qu'elles ont appelé l"'accaparement du pouvoir sur fond de l'absence totale de garanties" et "de toutes les prérogatives présidentielles".

Elles ont considéré que le fait que le président s'octroie le pouvoir législatif constitue "le premier pas vers le despotisme avec tout ce que cela englobe comme menaces contre les droits de l'homme".

"On ne peut pas accepter le diktat de ces réformes prises de manière unilatérale sans concertations multilatérales et contrôle effectif", ont-elles affirmé.

"Il semble que la Tunisie, seul pays du "Printemps arabe" à préserver jusqu'à présent l'espoir de créer un vrai changement, est en train de tourner la page de sa démocratie naissante", ont déploré ces organisations.

-0- PANA AB/AD/IN/JSG/SOC 27sept2021