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Comment les directrices d'école guident et influencent les salles de classe en Afrique subsaharienne

Dakar, Sénégal (PANA) - La direction des établissements scolaires joue un rôle majeur dans la qualité de l'éducation, agissant comme un levier stratégique pour favoriser des conditions d'apprentissage propices pour les élèves.

Malgré cela, les caractéristiques des chefs d'établissement, en particulier le genre, ont reçu peu d'attention, surtout en Afrique subsaharienne (ASS).

Dans le même temps, les résultats positifs associés au leadership des femmes ont été documentés dans des domaines tels que la politique, la santé et les affaires.

Le sexe des enseignants a également été au centre des politiques de développement de l'éducation au cours de la dernière décennie, comme moyen d'influencer l'éducation et les aspirations des filles.

Alors que la parité entre les sexes au sein du corps enseignant primaire en Afrique subsaharienne est presque atteinte (les enseignantes représentent 47 % du corps enseignant primaire en Afrique subsaharienne, selon l'ISU, 2022), les femmes luttent pour accéder aux postes de direction des écoles.

Dans des pays comme le Mali, le Togo, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal et d'autres, les ratios peuvent être aussi bas qu'une femme pour dix hommes (Bergman et al., 2022 ; Alban Conto et al., 2023).

Les normes de genre qui prévalent contribuent de manière significative aux obstacles que rencontrent les femmes sur le marché du travail, en particulier pour les postes de direction.

En Afrique subsaharienne, alors que le taux d'activité des femmes est l'un des plus élevés au monde (62 %), les fortes traditions patriarcales ont souvent pour effet d'exclure les femmes des postes de direction et de les soumettre à l'autodiscrimination.

Le cas du Niger illustre bien cette disparité : alors que 58 % des enseignants du primaire sont des femmes, seulement 17 % sont des femmes chefs d'établissement.

Directeurs d'école hommes et femmes : contextes différents, pratiques différentes

Des données récentes indiquent que, dans certains contextes, les écoles dirigées par des femmes tendent à obtenir de meilleurs résultats scolaires que celles dirigées par des hommes.

Cette amélioration ne concerne pas seulement les élèves de sexe féminin et a été observée dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, notamment au Bénin, au Burkina Faso, au Burundi, au Cameroun, en Côte d'Ivoire, au Kenya, à Madagascar, au Mozambique, au Niger, au Sénégal, au Tchad et au Togo.

Un nouveau rapport de l'IIPE-UNESCO Dakar, analysant les données du "Programme d'analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC)" 2019, qui couvre 14 pays d'Afrique subsaharienne, révèle des différences contextuelles significatives qui caractérisent les environnements scolaires dans lesquels les chefs d'établissement masculins et féminins opèrent.

Notamment, les femmes chefs d'établissement sont plus souvent présentes dans les écoles privées, dans les zones urbaines et aisées, et accueillent souvent des élèves issus de milieux socio-économiques plus élevés. En outre, les écoles dirigées par des femmes ont tendance à avoir une plus grande proportion d'enseignantes que celles dirigées par des hommes.

Pour comprendre l'association spécifique entre les performances des élèves et le sexe des directeurs d'école, il est essentiel de prendre en compte l'environnement d'apprentissage.

Le rapport constate qu'au Bénin, à Madagascar, au Sénégal et au Togo, l'inscription dans une école dont le directeur est une femme est associée à des résultats significativement plus élevés en lecture et en mathématiques. Ces améliorations vont de 0,17 à 0,34 écart-type supplémentaire dans les résultats des tests, ce qui est considérable par rapport à d'autres interventions.

Un examen plus approfondi révèle que les femmes chefs d'établissement ont tendance à adopter des approches de leadership et de gestion distinctes qui améliorent les résultats de l'éducation. Le rapport souligne que les femmes chefs d'établissement participent plus fréquemment aux réunions avec les parents et sont plus enclines à proposer des cours de rattrapage aux élèves que leurs homologues masculins, et qu'elles encouragent et contrôlent activement l'assiduité des enseignants, réduisant ainsi l'absentéisme.

Au-delà de son importance pour l'équité, l'augmentation de la représentation des femmes aux postes de direction des écoles peut remettre en question les normes établies et soutenir des approches de gestion et de pédagogie différentes, ce qui améliore en fin de compte l'expérience scolaire globale des enfants.

L'exposition à des femmes dirigeantes est susceptible d'influencer les aspirations des élèves, en particulier des filles, et de leurs familles, de transformer les normes de genre et d'inciter davantage de femmes à s'épanouir dans l'éducation et à rechercher ces rôles.

Il est essentiel de faire tomber les barrières et d'établir des cadres de carrière qui contrecarrent les préjugés liés aux normes de genre pour favoriser des opportunités plus équitables à chaque niveau des systèmes éducatifs.

Il est essentiel de s'attaquer aux normes de genre en matière de recrutement, de formation, de rémunération, d'avancement de carrière et de conditions de travail pour soutenir les enseignantes et les dirigeantes et leur permettre d'accéder à leurs fonctions et de les exercer avec succès.

Il est essentiel de considérer ces postes comme faisant partie intégrante d'un système plus large qui offre des perspectives de carrière et des possibilités de développement professionnel à tous les enseignants.

Pour accroître la représentation des femmes dans les instances dirigeantes, les systèmes éducatifs doivent renforcer le vivier d'enseignantes qualifiées et proposer des formations spécifiques qui luttent contre les normes de genre au sein du secteur. Pour lutter efficacement contre les préjugés, il faut également soutenir la professionnalisation du rôle des chefs d'établissement, ce qui permet d'autonomiser les femmes et d'asseoir leur crédibilité et leur légitimité.

Le monde manque de femmes leaders dans le domaine de l'éducation, et pour remédier à ce problème, il faut remettre en question les normes sexospécifiques bien ancrées dans le système éducatif et dans la société à tous les niveaux.

En outre, il est essentiel de mettre en place des parcours professionnels formalisés qui responsabilisent les enseignants et le personnel éducatif en renforçant leurs compétences, leur vision et leurs ressources, afin d'élever le niveau de direction des écoles.

Les femmes ont un rôle central à jouer dans cette transformation et il faut leur faire confiance pour faire progresser l'éducation.

-0- PANA AR/RA/BAI/JSG/SOC 18jan2024