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Absence de perspectives d'un règlement de la crise en Libye après l'échec d'un consensus parlementaire pour l'organisation des élections

Tripoli, Libye (PANA) - Les horizons sont entièrement bouchés en Libye quant à la perspective d'un règlement de la crise politique dans le pays après l'échec, dimanche, du dernier round des consultions entre la Chambre des représentants (Parlement) et le Haut Conseil d'Etat pour déterminer une base constitutionnelle servant à l'organisation des élections générales, aggravant ainsi l'impasse dans le processus politique libyen.

 

Une situation qui est de nature à conduire à davantage d'escalade dans le contexte des risques d'affrontements armés sur fonds de polarisation à l'intérieur et de blocages à l'extérieur du pays, en particulier, au niveau des Nations unies.  

 

Même l'annonce, jeudi, par la Conseillère spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Stephanie Williams, de l'acceptation par les présidents du Parlement, Aguila  Saleh et du Haut Conseil d'Etat, Khaled al-Mechir , d'une réunion les 28 et 29 juin courant au siège de l'ONU à Genève pour aplanir les désaccords en suspens pour attendre un consensus sur un cadre constitutionnel pour l'organisation des élections dans le pays, n'aura pas permis d'apporter une dose d'optimisme.

 

Le troisième et dernier round des consultations via la commission mixte du Parlement et du haut Conseil d'Etat du 12 au 19 juin au Caire, en Egypte, considéré par Mme Williams comme la dernière opportunité a échoué de parvenir à un consensus sur la définition d'une base constitutionnelle avec la persistance des points de discorde qui sont relatifs aux dispositions de la transition relative à la période de transition avant les élections notamment l'élaboration de lois électorales. 

 

Le Parlement veut une commission mixte pour la mise en place du document constitutionnel que l'instance législative sera chargée d'adopter ou de réviser sans en référer au Haut Conseil d'Etat.

 

Une proposition que le Haut Conseil d'Etat a rejeté, exigeant d'être associé jusqu'à la fin du processus pour s'assurer que l'accord sera mis en œuvre sans être modifié unilatéralement par le Parlement.

 

Cela reflète la persistance de la méfiance qui a marqué ces dernières années les rapports entre les deux chambres qui les a conduites à entretenir des relations tumultueuses qui les ont empêchées de s'accorder entre elles et d'appliquer les accords convenus à l'instar du sort réservé aux arrangements constitutionnels à Hurghada en Egypte et à l'accord sur les postes régaliens à Bouznika au Maroc et auparavant à l'échec des négociations en Tunisie.

 

Pour l'analyste politique libyen, Muftah Laabidi, "cette réalité des mauvaises relations et des rapports conflictuels entre la Chambre des représentants et le Conseil d'Etat n'augurent rien de bon pour la rencontre prévue entre Aguila et Al-Mechri", prédisant que "la réunion programmée pour fin juin sera couronnée par un nouvel échec car il existe sur logique de bras de fer entre les deux institutions qui veulent en réalité demeurer sur la scène politique libyenne en se prorogeant pour toujours".

 

Il a rappelé "l'échec de la tentative de leur rencontre à la veille de la clôture du dernier tour des consultations du Caire", assurant que "si Aguila et Al-Mechri étaient animés de bonne volonté et qu'ils étaient soucieux des intérêts de la Libye et des Libyens ils auraient tout fait pour parvenir à un accord en Egypte et répondre ainsi aux aspirations des Libyens qui attendaient un accord sur une base constitutionnelle pour aller aux élections le plus rapidement possible".

 

Selon l'analyste libyen, "la rencontre attendue à Genève est intervenue sur pression de la Stephanie Williams qui veut à tout prix réaliser un succès dans le dossier libyen avant son départ d'autant plus que sa mission touche à sa fin en juillet prochain alors que les pays membres du Conseil de sécurité acculent le Secrétaire général de l'ONU à nommer rapidement un Envoyé spécial en Libye pour conduire les efforts de médiation".

 

Donc les chances de parvenir à un accord entre les président du Parlement et du Haut Conseil d'Etat sont infimes ce qui fait que la situation demeure très risquée face à l'absence de perspective d'une issue à court ou moyen terme.

 

Ces développements interviennent au moment où le délai légal de l'accord politique de Genève du Forum du dialogue politique libyen, instituant une transition en Libye sur laquelle était fondé le gouvernement d'unité nationale, du Premier ministre Abdelhamid Al-Dbaiba, a expiré, mardi, selon la durée fixée pour l'autorité exécutive de transition à 18 mois, c'est à dire jusqu'au 22 juin 2022.

 

Une situation qui a exacerbé les tensions dans le pays et conduit à une surenchère rhétorique avec les mises en garde du gouvernement du Premier ministre désigné par le Parement, Fathi Bachagha contre tout traitement avec le gouvernement rival.

 

M. Bachagha, a déclaré que le gouvernement d'unité nationale a pris fin localement avec l'élection de son gouvernement par la Chambre des représentants, et au niveau international avec la fin de l'accord de Genève le 21 juin 2022, selon la feuille de route.

 

Il a appelé dans une vidéo toutes les autorités et institutions sécuritaires, judiciaires, financières et militaires, "à ne plus traiter avec le gouvernement dont le mandat est terminé ", ajoutant que quiconque enfreint cela est en dehors de la loi, de la légitimité constitutionnelle et de la légitimité légale".

 

Dans une lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, le Premier ministre désigné par le Parlement a indiqué que la feuille de route qu'il a présentée insiste sur la nécessité de se concentrer non seulement sur les élections, mais aussi sur l'offre d'une solution multidimensionnelle aux défis auxquels la Libye est confrontée, expliquant que le pays traverse une "étape sensible" qui nécessite une action de "tous les dirigeants en Libye et dans le monde qui croient en la démocratie pour trouver une solution aux défis auxquels il est confronté.

 

Le Premier ministre du gouvernement d'unité nationale issu du consensus entre Libyens sous les auspices des Nations unies dans le cadre du Forum du dialogue politique libyen, Abdelhamid Al-Dbaiba a réitéré son refus de passer le pouvoir tant qu'il n'y aura pas des élections pour remettre le pouvoir à une autorité élue.

 

En février dernier, il a présenté un plan qu'il a proposé baptisé "Rendre la confiance au peuple", portant sur l'organisation des élections législatives et un référendum sur la Constitution, lançant de large consultation sur l'élaboration d'une loi électorale.

 

Le processus électoral qui sera lancé en juin courant par le gouvernement d'unité nationale prévoit la tenue des élections fin de l'année courante.

 

Ainsi, le Premier ministre du gouvernement d'unité nationale, Abdelhamid Al-Dbaiba a affirmé, concernant la date du 22 juin considérée par certains comme la fin du mandat de son gouvernement que les Nations unies et la communauté internationales refusent d'utiliser la date du 22 juin comme outil de manipulation politique.

 

Il a souligné lors d'une intervention jeudi au Conseil des ministres à Jadou (Ouest) : "Nous devons boucler les élections pour pouvoir mettre en œuvre la feuille de route de l'accord politique".

 

De son côté, le ministère des Affaires étrangères du gouvernement d'unité nationale a indiqué que l'Accord de Genève confirmait la fin de la période de transition en organisant des élections et en annonçant des dates organisationnelles et non contraignantes.

 

Le ministère a rappelé ce qui a été indiqué dans la déclaration des Nations Unies, exhortant à s'abstenir d'utiliser la date du 22 juin comme un outil de manipulation politique.

 

Les Nations unies ont exhorté les dirigeants libyens à s'abstenir d'utiliser la date du 22 juin comme outil de manipulation politique, en référence à la date de fin de la période de transition fixée par le Forum de dialogue national libyen à Genève.

 

"Les Nations Unies regrettent que de nombreuses étapes de la feuille de route politique du Forum de dialogue politique libyen, qui ont été adoptées en Tunisie en novembre 2020, aient été perdues au cours de l'année 2021, notamment la tenue des élections nationales prévues le 24 décembre 2021", a indiqué le porte-parole adjoint du Secrétaire général des Nations Unies, Farhan Haq, lors d'un point de presse officiel, mercredi.

 

Il a ajouté : "La feuille de route spécifiait la fin de la phase de transition le 22 juin avec la condition que des élections présidentielle et parlementaires aient lieu à cette date, ce qui ne s'est pas produit", soulignant: "Nous exhortons les dirigeants libyens à s'abstenir d'utiliser la date du 22 juin comme outil de manipulation politique. Au lieu de cela, nous les encourageons à redoubler d'efforts pour maintenir le calme et la stabilité à ce stade critique de la transition politique en Libye".

 

Le report des élections du 24 décembre dernier ont conduit le processus politique en Libye dans une impasse, débouchant sur l'existence de deux gouvernements rivaux qui se disputent le pouvoir, attisant la tension dans le pays, l'amenant au bord d'une nouvelle guerre en raison des soutiens dont disposent chacun des deux camps parmi les groupes armés basés dans l'Ouest et à Tripoli.

 

Mercredi soir, de nouveaux affrontements armés se sont renouvelés à Tripoli entre deux groupes armés rivaux à Zaouiet Al-Dahmani en plein centre-ville de la capitale libyenne, faisant 4 morts dont un civil, selon des sources concordantes.

 

Ces affrontements armés sont les troisièmes à Tripoli depuis l'apparition de deux gouvernements après ceux du 11 juin et du 17 mai qui ont opposé directement des partisans des deux Premiers ministres, dévoilant les risques d'embrasement généralisé du pays en l'absence de perspectives d'un règlement de la question de l'exécutif.

 

En outre, la poursuite des désaccords au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et les tiraillements qui continuent autour de la nomination d'une personnalité au poste d'Envoyé spécial en Libye entre les membres de l'instance exécutive onusienne, compliquant davantage les efforts pour une solution aggravant la crise dans ce pays d'Afrique du Nord.

 

Cette situation s'est répercutée sur la prolongation du mandat de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (MANUL) qui a été prolongée quatre fois de manière temporaire, au lieu d'une année entière comme à l'habitude, reflétant la concurrence que se livrent les Etats-Unis et les pays occidentaux, d'une part, à la Russie, d'autre part.
-0- PANA BY/IS 23juin2022